Article publié sur le site de la Cimade
Il faudra d’autres mesures pour sortir de la loi de la jungle !
Eric Besson a annoncé le 23 avril 2009 les mesures qu’il entendait prendre pour « démanteler » la « jungle » de Calais d’ici la fin de l’année.
Son plan prévoit essentiellement des mesures de répression et une intervention accrue des services de police à Calais et à Paris, ainsi que des opérations conjointes avec l’Allemagne et l’Italie. De nouveaux moyens technologiques sont également prévus pour rendre « étanche » la zone portuaire de Calais. Si le ministre cible les passeurs, l’expérience montre que ce sont surtout les « migrerrants » qui sont les premiers visés par ces mesures, arrêtés et placés en centre de rétention.
Après ce volet dit de « fermeté », le ministre a présenté six mesures concrètes pour apporter une aide humanitaire, à savoir : un dispositif mobile d’information des migrants sur l’aide au retour, géré par l’OFII ; un point de distribution de repas, géré par les associations ; un point d’accès aux soins pérennisé ; un point sanitaire avec des douches situées à la périphérie de la ville et un point pour les personnes vulnérables situé à plus de dix kilomètres du centre ville. La volonté de ne pas recréer « un nouveau Sangatte » conduit à un éparpillement des points d’accès aux droits fondamentaux des personnes. Surtout, à aucun moment le ministre n’a évoqué l’accès à un hébergement d’urgence, qui est pourtant un droit prévu par le code de l’action sociale.
Enfin, le ministre a annoncé qu’un accès à la demande d’asile se ferait à la sous-préfecture de Calais deux jours par semaine. Monsieur Besson considère que la plupart des « migrerrants » souhaitent plutôt demander asile en Grande-Bretagne et doivent de toute façon être « réorientés » vers d’autres pays comme la Grèce, où ils ont déjà déposé une demande d’asile et qui est responsable de l’examen de celle-ci en vertu du règlement « Dublin II ». En citant la république hellénique, le ministre omet de préciser que les conditions d’exercice du droit d’asile dans ce pays sont décrites par le HCR et le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe comme contraires aux normes minimales d’une procédure équitable, et que le Tribunal administratif de Paris vient de suspendre un arrêté de transfert pour ce motif (cf. TA Paris, 20 avril 2009, Z. N°0906455).
Pourtant, les statistiques du ministère de l’Immigration montrent que le principal pays où les personnes ont été déjà repérées par EURODAC avant leur arrivée dans le Pas-de-Calais est, avec l’Italie, la Grande Bretagne ! C’est-à-dire que ces personnes tentent de regagner le Royaume-Uni où elles ont séjourné ou déposé une demande d’asile.
Le plan Besson, comme les précédents plans « Ulysse », prévoit un important volet sécuritaire et une faible protection humanitaire. Il ne résoudra pas la situation des « migrerrants » du Calaisis, qui fuient la terreur, la guerre ou la misère, et qu’il faut cesser de qualifier de « clandestins » pour les appeler « réfugiés ».
Pour sortir de la loi de la « jungle », il faut remettre le système d’asile européen sur ses pieds en arrêtant de dénier les besoins de protection des personnes, et en prévoyant un mécanisme leur permettant de demander asile dans le pays de leur choix et où elles ont des liens familiaux ou culturels, comme le droit européen le permet déjà. Il faut leur assurer des conditions d’accueil qui soient conformes à la dignité des personnes en prévoyant des structures d’hébergement ouvertes à tous, comme dans tous les départements de France.
Pour sortir de la loi de la « jungle », il faut sortir de l’état d’exception dans lequel les « migrerrants » ont été placés par les pouvoirs publics.