GRAND MARCHÉ TRANSATLANTIQUE
« Le commerce est censé construire des ponts entre les nations,
pas provoquer un désastre »
par Ilana Solomon 15 mai 2014
Traduction : Sophie Chapelle et Olivier Petitjean
Négocié dans l’opacité, le projet d’accord
commercial entre l’Union Européenne et
les États-Unis inquiète.
Pour mieux comprendre les enjeux, Basta !
ouvre ses colonnes aux représentants
de la société civile qui, de l’Allemagne aux
États-Unis, en passant par la France,
l’Espagne ou l’Italie, se mobilisent.
Ilana Solomon est chargée des questions commerciales au Sierra Club, une ONG américaine
écologiste. Elle explique comment ce projet d’accord de libre échange pourrait porter
atteinte aux politiques climatiques, environnementales et sociales, aussi bien aux États-Unis
qu’en Europe. La première condition avant de poursuivre toute négociation :
« Impliquer le public dans toutes les étapes de la prise de décision. »
En réalité, les grandes entreprises veulent se servir de ce pacte pour éliminer, aux États-Unis comme dans l’Union
européenne, les mesures de protection de l’intérêt public et les normes existantes en matière d’environnement,
d’alimentation, de produits chimiques et dans bien d’autres domaines, en les stigmatisant comme « barrières
non tarifaires » ou « entraves commerciales ». Le tout dans le seul but d’amasser davantage de profits.
Cela représente une menace pour de nombreuses dispositions de protection de l’intérêt général qui affectent
directement nos vies quotidiennes. Cela contribuerait à aggraver l’un de nos défis communs – la crise climatique.
En matière d’alimentation, d’air, d’eau, de climat, l’Europe jouit généralement de niveaux de protection plus élevés
qu’aux États-Unis. Dès lors que ce soit-disant « pacte commercial » pourrait porter atteinte à l’ensemble
de ces protections, il semble que l’Europe ait encore plus à perdre que les États-Unis. La vérité, cependant, c’est
que les véritables gagnants de ce pacte seront les multinationales des deux côtés de l’Atlantique,
en quête de profits plus élevés. Les vrais perdants seront les citoyens tant du côté des États-Unis que de l’Union
européenne, et toutes celles et ceux qui sont frappés par les dérèglements climatiques.
Plus de gaz, plus de fracking
La Commission européenne, par exemple, a proposé d’inclure dans l’accord un chapitre entier dont l’optique
est d’augmenter les exportations de combustibles fossiles depuis les États-Unis vers l’UE. Il deviendrait beaucoup
plus facile d’exporter du gaz en réduisant les pouvoirs actuels du Département de l’énergie des États-Unis,
lequel n’aura même plus le droit de seulement analyser si ces exportations sont dans l’intérêt du public.
Les États-Unis seraient obligés d’approuver automatiquement toutes les exportations de gaz naturel – sans questions,
sans commentaires ou analyses, et sans délais.
Que signifierait concrètement une telle augmentation des exportations de gaz naturel pour les communautés
américaines ? D’une part, cela impliquera davantage de fracking. Le fracking, ou fracturation hydraulique, est
un processus violent visant à extraire des dépôts de gaz de schiste contenus dans des formations rocheuses,
et qui est connu pour contaminer l’eau potable, polluer l’air et causer des tremblements de terre.
Davantage de fracking signifie davantage de polluants toxiques, irrespirables et néfastes pour le climat,
davantage de menaces pour notre approvisionnement en eau potable, et davantage de risques
pour la santé publique, pour nos biens et pour notre environnement .
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