Derrière les marais de la Bérézina
Éditorial de Patrick Apel-Muller :
« La droite ramasse le Sénat comme
le fruit tombé de trop de trahisons,
d’infinies déceptions et de sourdes
colères. »
La défaite était attendue après la sévère sanction des municipales ; elle a tourné hier à la Bérézina.
La droite ramasse le Sénat comme le fruit tombé de trop de trahisons, d’infinies déceptions et de sourdes
colères. L’installation du gouvernement Valls 2, la pétaudière qu’il entend installer dans les institutions locales
au détriment de la souveraineté citoyenne ont parachevé une retraite en débâcle, accompagnée par l’entrée
au Palais du Luxembourg de deux séides de Marine Le Pen. Il ne s’agit pas seulement de l’onde de choc
d’un scrutin passé, mais du reflet de la défiance du pays qui est tout sauf une confiance votée à l’UMP
et à l’UDI. La confusion des genres entre la droite et le petit appareil politique qui gouverne est au cœur
de la crise politique. Comment voir un homme de gauche dans ce premier ministre qui se targue de sa
« fermeté » face à une grève des salariés contre la délocalisation d’Air France et un statut low cost ?
La Bruyère pointait déjà ces grands de la cour : « À quelques-uns l’arrogance tient lieu de grandeur,
l’inhumanité de fermeté ; et la fourberie d’esprit »…
Le tandem gouvernant, le président et son premier
ministre, a à ce point rallié le libéralisme qu’en entendant
Nicolas Sarkozy à Lambersart jeudi, on se disait qu’ils avaient
été pour lui une rampe de lancement.
Les uns dénonçaient les chômeurs ? L’autre traque l’assistanat.
Matignon veut autoriser le travail le dimanche ? Neuilly veut
que les Français travaillent plus (sans gagner plus, désormais)
et entend ratiboiser ces jours fériés, ces RTT, ces congés qui seuls compteraient aux yeux du menu peuple.
Valls flatte le Medef ? Sarkozy le cajole. « Être aliéné, écrivait Gramsci, c’est avoir les idées de l’ennemi
dans la tête. » Pauvre François Hollande… La fin de la parenthèse d’une majorité de gauche au Sénat
était attendue. L’occasion a été gâchée de s’appuyer sur les deux Chambres pour décider de réformes
progressistes audacieuses. Désormais, il faut s’atteler à reconstruire une alternative de gauche,
émancipée des libéralismes siamois.