Le FN surfe sur la désespérance sociale
Posté par communistefeigniesunblogfr le 31 mars 2011
Lu sur : camarade.over-blog.org/ – 28 mars 2011
Le terreau du Front National
http://alternatives-economiques.fr/blogs/peugny/2011/03/23/le-terreau-du-front-national/#
Dans son rapport sur l’état de la société française en 2009, le médiateur de la République parlait d’une « société dépressive ». Remis hier à Nicolas Sarkozy, son rapport 2010
évoque désormais une société au bord du « burn out », expression habituellement utilisée dans le champ professionnel par les médecins du travail pour décrire l’état d’épuisement
psychique de certains salariés victimes de conditions de travail délétères.
L’emploi de plus en plus fréquent d’un vocabulaire « psychologisant » pour décrire la société française laisse très dubitatif le sociologue. Pour tout dire, elle l’agacerait même assez.
En effet, décrire les sociétés avec les mots du médecin occulte les phénomènes économiques et sociaux qui sont à l’origine des effets que l’on cherche à expliquer. Si la société française
est malade, en l’occurrence, c’est bien de trois décennies de précarisation. La « grande transformation » du capitalisme industriel décrite par Robert Castel s’est traduite pour la
majorité des salariés par la plongée dans un monde de plus en plus incertain. Apparition et persistance du chômage de masse, précarisation continue du contrat de travail :
non seulement le présent se complique singulièrement, mais en plus, l’avenir n’est plus le support d’anticipations positives (76% des Français sont au contraire convaincus
que leurs enfants vivront moins bien qu’eux). « L’extension du domaine du désavantage social », pour reprendre l’expression d’Olivier Schwartz, agit comme un poison qui
vient corrompre et menacer des groupes sociaux jadis protégés mais qui aujourd’hui se sentent menacés dans leur survie même (les pavillonnaires du périurbain, les « petits-moyens »
décrits dans une monographie récente, etc.).
Beaucoup se plaisent à souligner le caractère excessif de ce sentiment de déclassement. Mettre en cause le pessimisme excessif des acteurs sociaux est une réponse commode.
Elle ne résiste toutefois pas complètement à l’épreuve des faits. Les exemples chiffrés abondent pour qui prend la peine de regarder attentivement les enquêtes de la statistique
publique et nous ne prendrons ici que trois exemples. Bien avant l’explosion de la crise financière, l’Insee avait mesuré, entre 2003 et 2005 et pour la première fois, autant de
baisses individuelles de niveau de vie que de hausses. Parmi les ménages d’agriculteurs, d’artisans et commerçants, d’employés et d’ouvriers du privé, les baisses étaient même
sensiblement plus nombreuses que les hausses. De la même manière, on comptait en 2009 plus de 3,5 millions d’allocataires des minima sociaux et en ajoutant les ayants droits,
ce sont 6 millions de personnes dont l’existence était suspendue à ces dispositifs. Mais ce n’est pas tout. De plus en plus souvent, le travail ne suffit plus : parmi les actifs occupés,
un à deux millions de travailleurs vivent sous le seuil de pauvreté, selon le seuil retenu (50% ou 60% du revenu médian).
Évidemment, un tel terreau est une aubaine pour le Front National et pour Marine Le Pen, qui a mis un nom sur les responsables de la situation : la mondialisation, et l’UMPS au
pouvoir depuis trente ans. L’efficacité du discours est redoutable : même si ça ne gâche rien, ce n’est presque plus la peine pour elle de s’en prendre aux immigrés (le ministre de
l’Intérieur s’en charge pour elle), la désespérance sociale remplit son escarcelle de pans entiers de l’électorat. Pour les gauches partout dans le monde et singulièrement en Europe,
le défi est titanesque. C’est un nouveau compromis social qu’il faut inventer dans une économie mondialisée. Celui du capitalisme industriel, inégalitaire mais relativement protecteur
dans le cadre national des Trente glorieuses et de l’Etat-providence, a implosé dès les années 1970 et n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir. Depuis lors, ouvriers et employés
sont abandonnés, sacrifiés, parfois humiliés, puisqu’ils ne sont que des « coûts », qu’il faut réduire pour « rassurer les marchés »,
le tout au nom d’hypothèses économiques dogmatiques, fausses et nocives. La gauche doit s’attaquer frontalement à ces questions si elle veut que son éventuel retour au
pouvoir ait un sens, c’est-à-dire si elle veut démontrer aux classes populaires qu’elle peut (encore) quelque chose pour elles. En attendant, ces dernières écoutent celle qui fait mine
de leur parler.
Publié dans F-Haine, France, POLITIQUE, PRECARITE, SOCIETE | Pas de Commentaire »