L’éditorial de Jean-Paul Piérot - humanite.fr – 25 septembre 2015
Le sabre et les Rafale
Surtout ne pas en dire trop. Ne pas indisposer notre ami le roi Salmane,
qui nous fait la grâce d’acheter nos Rafale, nos vedettes et nos hélicoptères de combat…
Alors que le jeune Ali Mohamed Al Nimr, 21 ans,
aux mains des geôliers et des tortionnaires
de la monarchie saoudienne depuis l’âge de 17 ans,
est sur le point d’être décapité, avant que son corps
ne soit crucifié jusqu’à son pourrissement,
le président de la République, François Hollande,
au cours d’une conférence de presse rendant compte
du sommet européen de Bruxelles, a brièvement
demandé à l’Arabie saoudite de « renoncer à l’exécution »,
se bornant à rappeler la position de la France « opposée
à la peine de mort ». Un service minimum qui ne risque pas de troubler la quiétude du souverain, car le chef de l’État
n’a pas eu un mot sur les faits reprochés au condamné – avoir participé à une manifestation –, ni sur les conditions
de son procès – torture et absence d’avocat –, ni fait le rapprochement avec la condamnation à mort de l’oncle
du garçon, le cheikh Nimr Al Nimr, un animateur de la contestation de la discrimination frappant les chiites
dans le royaume wahhabite.
La discrétion officielle de la France face au système oppressif et arbitraire mis en place par la dynastie régnante
est choquante. Certes, la diplomatie française n’approuve pas les exécutions quasi quotidiennes, le maintien sous tutelle
des femmes, un fondamentalisme religieux criminel, mais tout cela ne pèse pas lourd devant les contrats de vente
d’armes signés en pétrodollars. Et les gestes de bienveillance ne manquent guère : François Hollande s’est rendu
à Riyad lors de l’intronisation du roi Salmane, il fut l’hôte d’honneur du conseil de coopération du Golfe. Paris s’affirme
comme le principal allié de l’Arabie saoudite, qui ne joue pas un rôle modérateur dans la crise régionale contre la Syrie
et l’Iran. Officiellement hostile à Daech, le royaume a partie liée avec les djihadistes, dont le projet de société s’inspire
de l’intégrisme théocratique du Golfe, au nom duquel les bourreaux du jeune Ali Mohamed affûtent leurs sabres.