Aurélie Trouvé, qui vient de publier « Le business est dans le pré », dresse le bilan des dérives de notre modèle agricole. (Basta !)
Posté par communistefeigniesunblogfr le 28 février 2015
AGRO-BUSINESS
Aurélie Trouvé :
« Il faut stopper la mise en concurrence sauvage de notre agriculture »
par Sophie Chapelle 26 février 2015
Quel avenir pour l’agriculture ? Des fermes-usines rassemblant
des milliers de vaches ou de porcelets ? Une participation
massive des banques et fonds de pension dans le financement
de l’agriculture ? Une dérégulation totale des marchés
et une augmentation des importations ?
Alors que se tient cette semaine à Paris le Salon de l’agriculture,
l’économiste Aurélie Trouvé, qui vient de publier
Le business est dans le pré, dresse le bilan des dérives
de notre modèle agricole. Pour mieux comprendre les défis
actuels et les mesures essentielles à mettre en œuvre
pour inventer une autre agriculture. Entretien.
Basta ! : Qui défend aujourd’hui la création de fermes-usines en France ? Pourquoi les acteurs du secteur agro-alimentaire cherchent-ils à promouvoir ce modèle ?
Aurélie Trouvé [1] : Quel est l’intérêt d’une ferme de 1000 vaches ? La diminution des coûts de collecte, tout simplement. Plus on a de grosses exploitations, plus elles sont concentrées dans l’espace, et collecter le lait revient moins cher. Ces fermes-usines permettent aussi de réaliser des économies d’échelle. Ce ne sont pas forcément des exploitations pérennes sur le long terme qui dégagent une forte valeur ajoutée, mais elles sont capables de fournir un grand volume, standardisé et avec des prix plus faibles.
Les acteurs de l’agro-industrie ont intérêt au développement de ces fermes-usines, qui leur permettent de faire des affaires. Prenons le cas du groupe français Sofiprotéol-Avril (dirigé par Xavier Beulin, président de la FNSEA, ndlr). Derrière ce géant français, il y a des producteurs d’oléagineux – de colza, soja et tournesol. Qui mange des tourteaux de soja ? Le bétail, quand il est élevé hors sol, c’est-à-dire hors pâturage. Moins les animaux pâturent – comme c’est le cas dans ces fermes-usines mais aussi dans bien d’autres exploitations –, moins les éleveurs sont autonomes. Et plus Sofiprotéol-Avril fait des affaires ! Ce conglomérat est aussi entré au capital de l’entreprise Biogemma, qui développe des OGM, ou de Glon Sanders, leader français des aliments composés pour animaux, ainsi que de tout un ensemble de sociétés qui ont un intérêt à développer l’agro-industrie (lire notre enquête sur Sofiprotéol).
[…]
Quelles sont les conséquences pour ceux qui travaillent dans ces exploitations géantes ? Et pour la qualité des produits agricoles ?
La ferme des 1000 vaches en Picardie est trois fois moins créatrice d’emplois par litre de lait produit qu’une ferme classique. Sur le plan environnemental, un méthaniseur est prévu pour traiter les effluents d’élevage. Mais que va-t-on faire du digestat, le résidu des déjections non intégrées par le méthaniseur, qui risque de polluer les nappes phréatiques ? Ce déchet ultime va être transporté vers d’autres sites, avec son lot de nuisances sonores, d’émissions de gaz à effet de serre, d’accidents. On marche sur la tête ! Sur le plan sanitaire, la concentration du troupeau augmente les risques d’épidémies, ce qui implique un recours abondant aux vaccins, sérums et antibiotiques. Malgré les seuils réglementaires, ces substances peuvent se retrouver dans le lait et la viande consommés. Aujourd’hui, la moitié de la production mondiale des antibiotiques est destinée aux animaux [2] !
Publié dans Agriculture, Basta!, ECONOMIE, Liberalisme | Pas de Commentaire »