ESCLAVAGE « Les départements d’outre-mer veulent briser leurs chaînes »
Posté par communistefeigniesunblogfr le 10 mai 2013
10 mai
ESCLAVAGE
« Les départements d’outre-mer veulent briser leurs chaînes »
par Adrien Rouchaleou
Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), envoyé spécial.
Le passé esclavagiste et colonial
des départements d’outre-mer continue
à peser lourdement sur leur développement
économique. En se réappropriant l’histoire,
ils cherchent aujourd’hui à le dépasser.
L’esclavage est un événement fondateur, ce qui implique qu’il se prolonge dans l’histoire par la persistance
d’un héritage. On peut en distinguer les manifestations les plus heureuses : des langues particulières
– les créoles –, des musiques particulières… On en distingue aussi et avant tout une manifestation physique :
les couleurs des peaux des habitants des terres au passé esclavagiste. Loin d’être une question secondaire,
la question raciale a fait l’objet d’une abondante littérature depuis l’ouvrage fondateur de Frantz Fanon,
Peau noire, masques blancs. Mais, dans leurs structures économiques mêmes, les départements d’outre-mer
subissent encore les conséquences d’un passé non réglé.
Si on ne peut expliquer entièrement ces maux par le passé esclavagiste, celui-ci en est tout de même une cause
essentielle. D’abord parce que la transition de l’esclavage au salariat n’a pas été, loin de là, menée
avec une vision égalitaire. Comme le rappelle la chercheuse Françoise Vergès, « au plan juridique, avec l’abolition
de l’esclavage, les maîtres subissent un préjudice matériel, alors que la fin de la servitude forcée constitue
en elle-même une compensation suffisante pour les affranchis. Les maîtres reçoivent un dédommagement
financier ; les esclaves sont libres à condition de signer un contrat de travail » (*). Ainsi sont perpétués
les schémas de domination, qui perdurent, surtout en Martinique, avec la domination des « békés » – les Blancs
descendants d’esclavagistes qui possèdent encore la plupart des entreprises – sur le reste de la population.
C’est aussi par l’esclavage et la période coloniale que l’on peut en grande partie expliquer les retards
de développement économique des DOM. Pour l’économiste martiniquais Fred Célimène, de l’université
des Antilles et de la Guyane, lors d’un colloque organisé sur la mémoire de l’esclavage en novembre 2012
par la région Guadeloupe : « Il est évident que les problèmes que nous connaissons dans nos départements
d’outre-mer sont liés à la période de l’esclavage. N’oublions pas qu’il était interdit aux colonies de commercer
avec un tiers. Elles ne pouvaient commercer qu’avec la métropole. » D’où une hyper-spécialisation de l’économie
dans la production de canne, de banane, de coton ou de cacao, qui ne peut aujourd’hui plus faire face
à la concurrence à coût bien plus bas des États voisins indépendants.
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(*) La mémoire enchaînée, de Françoise Vergès, Hachette littératures, 2008, 204 pages, 7,50 euros.
Lire également : La Caisse des dépôts poursuivie pour avoir tiré profit de l’esclavage
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