Les droits des salariés dans le viseur patronal et gouvernemental
Kareen Janselme – l’Humanité – 23 février 2015
Loi sur la sécurisation de l’emploi, loi Macron, négociation
sur le dialogue social :
aucun texte n’épargne les comités d’entreprise. Soixante-dix ans après leur naissance,
ils sont toujours craints
des patrons alors qu’ils peuvent apporter des solutions alternatives
pour développer l’entreprise.
Alors que la négociation sur la modernisation
du dialogue social s’est soldée par un échec
au mois de janvier, la CGT, FO et la CFE-CGC
refusant de signer le texte patronal,
le gouvernement reprend la main sur cette réforme
à haut risque.
Le premier ministre, Manuel Valls, reçoit
les organisations syndicales et patronales mercredi
dans le but d’élaborer une « loi travail », qui pourrait
abonder dans le sens du Medef de fusionner
les instances représentatives du personnel – IRP – (délégués du personnel – DP –, comité d’entreprise – CE –,
comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT) en un conseil d’entreprise.
La perspective d’un possible laminage des droits et prérogatives de ces instances est sur la table, l’année même
où les comités d’entreprise, nés le 22 février 1945, fêtent leurs soixante-dix ans.
Menacé, le CE n’a pas encore passé l’arme à gauche malgré les attaques incessantes du patronat.
Parce que le CE n’est pas juste un distributeur de spectacles à prix réduits, le patronat a toujours voulu limiter
son influence. Contrôle des comptes de l’entreprise, expression des salariés : voici les incontestables prérogatives
qui, depuis la naissance de l’institution, inquiètent malheureusement beaucoup de chefs d’entreprise.
Malheureusement, car cette IRP a été conçue pour aider à mieux diriger l’entreprise… et non freiner sa croissance
comme le font croire les organisations patronales, mais aussi le gouvernement aujourd’hui. Pour preuve, après la loi
dite de « sécurisation » de l’emploi votée en 2013, qui a réduit les délais de consultation et d’expertise,
la loi Macron a voulu restreindre la publicité des comptes et a réussi à dépénaliser le délit d’entrave au comité
d’entreprise…
[...]
Les CE arrivent à stopper et à retarder les procédures de licenciements collectifs.
Ainsi, en 1995, le plan social d’Éverite, filiale de Saint-Gobain, est frappé de nullité par la Cour de cassation
pour « manque d’indications sur le nombre et la nature » des reclassements proposés. En 1997, l’arrêt Samaritaine
va plus loin. Non seulement le plan social prononcé en 1993 est annulé mais la Cour de cassation somme l’enseigne
de réintégrer les salariés licenciés. En 2011, la cour d’appel de Paris annule le plan social de Viveo et cette fois-ci
pour absence de motifs économiques, suite à la démonstration des données fournies par l’expertise du CE. La Cour
de cassation reviendra sur cette décision affirmant que les juges ne peuvent pas annuler un PSE pour défaut
de cause économique puisque ce n’est pas inscrit dans la loi. La haute juridiction ferme la porte à de nombreux
recours possibles qui inquiétaient sensiblement les grands patrons. Il est clairement signalé aux comités d’entreprise
qu’ils ne peuvent que retarder ou améliorer un plan de sauvegarde de l’emploi. Et pourtant…
[...]
Dans les entreprises, les menaces de la loi Macron et les propositions patronales actuelles
pour rénover le dialogue social inquiètent :
« Deux fois par an, nous mandatons un expert pour étudier les comptes annuels, les investissements, les choix
stratégiques, rapporte Maël Le Goff. L’expert obtient des chiffres qui ne nous sont pas communiqués en CE.
Si la publication des comptes n’était plus autorisée comme a essayé de le faire la loi Macron au nom du secret
des affaires, le comité d’entreprise n’aurait plus de raison d’être ! Nous sommes tous dubitatifs par rapport à la loi
sur la modernisation du dialogue social à venir, suite à l’échec des négociations. Les salariés sont très inquiets
de la volonté de créer une instance unique qui entraînerait la disparition du CHSCT (comité hygiène sécurité
et conditions de travail). » Plutôt que de réduire les droits, l’évolution de l’entreprise (mondialisation,
course à la rentabilité, etc.) commanderait plutôt d’en élargir l’accès, d’accorder par exemple
la possibilité aux élus du CE de posséder un « droit de veto » sur les décisions stratégiques.
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