Entretien réalisé par Julia Hamlaoui – 18 février 2016
Gérard Filoche :
« La plus importante contre-révolution depuis un siècle »
Pour l’ex-inspecteur du travail et membre
de la direction du PS, Gérard Filoche,
l’avant-projet de loi El Khomri
est une « attaque thermonucléaire »
contre toutes les protections des salariés.
À la lecture de l’avant-projet de loi El Khomri, reste-t-on selon vous dans le champ
d’une simple « simplification » dont parlait la mission Badinter ?
Gérard Filoche Non, c’est un véritable bouleversement. Valls avait annoncé qu’il ne voulait pas d’une réformette
mais d’une révolution. Nous sommes face à la plus importante contre-révolution depuis un siècle.
C’est une attaque à la bombe thermonucléaire contre l’ancien Code du travail. Depuis un siècle, le droit du travail
s’est construit pour permettre de protéger les salariés contre les exigences des entreprises et de l’économie.
Et voilà qu’ils font l’inverse, ils nous ramènent au statut de loueurs de bras, de tâcherons, de soumis sans droit.
C’est la casse de la grande tradition de reconnaissance du salariat comme moteur de la production des richesses.
Le gouvernement avait promis de ne pas s’attaquer aux 35 heures, quelle est votre appréciation ?
Gérard Filoche Il a menti, noir sur blanc. Les 35 heures ne sont plus, dans ce projet, qu’une éphémère plaisanterie.
En une dizaine de chapitres, tous les contrôles sur la durée du travail sautent. Les gens vont avoir du mal à le croire,
mais il est bien écrit que la durée maximale du travail pourra, par forfait ou négociation, excéder
les 12 heures par jour, tout comme elle pourra dépasser les 48 heures par semaine, pour atteindre
les 60 heures.
C’est au nom de l’inversion de la courbe du chômage que le gouvernement justifie ses réformes ;
quels dangers pour l’emploi recouvre cet avant-projet ?
Gérard Filoche De telles transformations augmenteraient massivement le chômage. Il s’agit de faire travailler
plus ceux qui ont un travail au détriment de ceux qui n’en ont pas. L’ampleur du mensonge est fracassante.
On atteint des sommets de propagande et de contresens. Comment peut-on prendre des millions de salariés
pour des gogos, prétendre qu’il s’agit de leur permettre d’avoir un travail alors que, pour beaucoup,
cela le leur enlèvera, et que, pour les autres, cela les exploitera, brisera leur santé ? D’où tout cela vient-il ?
Personne ne le demande, à part Pierre Gattaz, et même lui doit sûrement en ce moment s’étonner de la hardiesse
ultralibérale de ce projet.
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