Ce jeudi dans l’Humanité :
Le cheval de Troie de l’UE contre la Sécu
Une proposition de directive, datant de décembre 2011
et examinée ce mois-ci par le Parlement européen,
envisage la possibilité pour un État de privatiser les services
de sécurité sociale obligatoire.
Pour Jean-Emmanuel Ducoin, qui signe l’édito du jour,
« Livrer la Sécu à la concurrence transformerait notre système
public en un marché d’assurances privées ».
Le poison eurocrate
Les monstres modernes agissent
avec la froideur implacable
de leur époque.
La preuve, nous ne nous méfions jamais assez des eurocrates de Bruxelles.
Toujours à l’affût d’une occasion pour tenter de constitutionnaliser
le libéralisme dans les moindres interstices de leurs directives, ils ont l’art
d’immiscer leur poison sous la forme de mots obscurs,
en apparence indolores,
mais qui, inoculés par surprise, ont la puissance des venins mortels.
Ainsi, quelle ne fut pas la surprise de quelques députés européens
en découvrant l’une des annexes d’une proposition de directive
sur la « passation des marchés publics ». Maître d’œuvre, l’ineffable Michel Barnier, alias commissaire européen
au Marché intérieur et aux Services. Ce projet propose ni plus
moins que de livrer la Sécurité sociale à la concurrence.
Par le biais d’appels d’offres, notre actuel système public
se transformerait en un marché d’assurances privées.
L’affaire est sérieuse. Introduire des mécanismes
dits de « concurrence » au sein d’un secteur
jusque-là sanctuarisé
autour des principes sacrés de solidarité signifierait la fin d’un des derniers piliers de notre pacte social. La possibilité
de soigner gratuitement, quelle que soit
la gravité du mal et quel que
soit le niveau de vie du malade, reste
une prérogative fondamentale de la République que
nous ont léguée les membres du Conseil national
de la Résistance.
Elle figure même dans le préambule
de la Constitution ! Imaginez un instant ce que deviendrait une Sécurité sociale
privatisée, avec d’un côté, un opérateur historique réduit
à l’os (les caisses d’assurance santé), et, de l’autre, des géants
de l’assurance par exemple, ou des mutuelles, voire des banques, qui ne manqueraient pas de s’emparer du marché.
La loi du plus riche et l’inégalité deviendraient les règles. Bien sûr, il est difficile de croire que le gouvernement Ayrault
puisse envisager le dépeçage de la Sécu, quelle que soit l’ampleur des déficits. L’eurodéputée socialiste Pervanche Berès,
spécialiste des questions sociales, ne cache d’ailleurs pas son incrédulité : « Cela paraît tellement gros », commente-t-elle,
« cela ne peut pas passer »…
Puisque les ambiguïtés de la Commission
ont de quoi susciter notre méfiance, c’est donc
au gouvernement Ayrault
de nous rassurer, vite, en prenant les mesures qui s’imposent pour que l’assimilation de la Sécurité sociale au secteur
marchand cesse immédiatement. D’autant que l’épisode n’est pas sans nous rappeler le sinistre précédent
de la « directive services » du célèbre commissaire Frits Bolkestein. Toute l’Europe et tous ses secteurs d’activités
se trouvent depuis dans la ligne de mire, en vertu de la logique néolibérale n’ayant pour cohérence que la concurrence
(non libre et faussée) des hommes entre eux, sans aucune idée de progrès humain ni limite morale.
Et François Hollande ? Dans un long entretien donné à six quotidiens européens, le chef de l’État déclare solennellement
que « l’Europe ne peut plus être
en retard » mais que « le pire – c’est-à-dire la crainte d’un
éclatement de la zone euro –
est passé ». Les peuples victimes
de l’austérité seront contents de l’apprendre ! En imposant
le vote du nouveau traité
européen, le président a lui aussi
choisi une stratégie de choc, car ce pacte de classe au service des puissants cadenasse
l’Europe dans des politiques aberrantes, injustes et antidémocratiques.
Non, François Hollande n’a pas honoré la promesse du candidat :
ce n’est pas renégocier un traité que se contenter
d’ajouter
un paragraphe sur la croissance sans remettre en question son arsenal anti-souveraineté populaire.
Le vampirisme des financiers a eu raison de la Grèce. Qu’il s’attaque désormais à la Sécurité sociale n’a rien d’étonnant…
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