Source : Les jours et l’ennui de Seb Musset - 13 décembre 2010 – par seb musset
L’occupation des cerveaux
A l’approche des fêtes, alors que les analystes politiques accaparés par la réservation de leur chambre d’hôtel à l’Ile Maurice ne peuvent livrer le plein potentiel de leur servitude de plateau, voici une bonne vieille recette de Mamie Bestoffe.
Idéal pour fourrer le cerveau du gueux au ventre vide, ce plat traditionnel, certes un peu lourd, contera également le politique ne voulant trop s’attarder sur le terrain du programme :
le soufflé médiatique aux pépites de point Godwin
(servi avec son coulis de consensus)
1 / Prendre un « bon client ». Candidat d’un parti extrême, médiatiquement payant, avec un nom qui parle à l’inconscient populaire.
2 / Au prétexte d’une forte popularité dans les sondages de l’institut Moncusurlakomod, attendre que le bon client dérape. Si possible sur le plateau d’une émission politique prévue pour : histoire de capter l’audience. Sinon, suivre la suivre sur le terrain et attendre quelques heures que la phrase (évoquant la seconde guerre mondiale, obligé) tombe toute seule de l’arbre (ce qui, en période de campagne interne dans le parti, ne devrait pas prendre plus de 26 secondes).
3 / En faire la une de l’actualité. Répéter, remuer, laisser cuire à feu doux tout le week-end, que tout le monde entende bien ce qui ne doit plus l’être. Faire réagir gauche et droite unanimes à condamner. Permettre aux communicants de l’UMP (le gouvernement quoi), ayant passé les trois dernières années à branler de la xénophobie à des fins électoralistes, de jouer le rôle des modérés. Permettre au Parti Socialiste d’enfin parler d’une seule voix.
4 / Par défaut, avec tout ce temps promotionnel accordé au bon client, contribuer à amalgamer chez ceux qui s’intéressent peu au débat politique (et qu’on appelle électeurs) tout discours d’opposition pour l’expédier à la rubrique « c’est le mal » et ainsi réduire au plus fin le spectre des possibilités électorales.
4 / Avec tout ce temps d’information accordé au bon client et aux réactions qu’il génère, étouffer encore un peu plus les autres thématiques (crise sociale, chômage, spéculation immobilière, licenciements, précarisation des classes-moyennes, décrochage des générations, privatisation des services publics…) affectant bien plus les français que quelques musulmans priant dans la rue à Paris[1]. Ce qui est effectivement dérangeant… rapporté au nombre d’églises vides dans cette ville.
Ne pas répondre à la thématique abordée. Se contenter de stigmatiser le bon client avec quelques attaques personnelles qui renforceront son name-branding. Bon client qui ne demande que cette publicité et qui, O surprise, O indignation, recommencera la semaine prochaine.
5 / Constater régulièrement dans les médias que « Oh bah mince, le bon client « monte encore ». C’est pas notre faute, nous on ne fait que de l’information. On est obligé d’en parler » .
6 / Recommander la procédure jusqu’aux élections.
6 / En appeler alors à l’union sacrée parce que « - merdalor » notre bon client accède au second tour en avril 2012.
7 / Suivant la couleur politique du cuistot en chef : rafler la mise avec 70% sans avoir avancé un programme tranché d’alternance ou amorcé une once d’autocritique sur l’échec de cinq années au pouvoir.
8 / Faire un gouvernement d’ »ouverture » mais sans le bon client. « - Tu déconnes ou quoi, avec un tel monstre dans l’opposition, on a plus besoin de se casser la tête à avoir des propositions ! »
9 / Récupérer le jus (pour saucer mauvaises nouvelles et réformes, ça peut toujours servir), séparer les grumeaux de Godwin à réintégrer dans la salade d’internet et son cake aux journalistes d’investigation, congeler la bête et resservir dans cinq ans.
[1] alors que tout le monde sait que le vrai problème de Paris : c’est la neige (et, mais alors juste un peu, la pénurie de logements sociaux et l’exploitation immobilière).
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