L’insurrection parisienne dérange les plans alliés.
Pour l’armée américaine, le général Omar Bradley le dit crûment : Paris est « une simple tâche d’encre sur la carte, qu’il faut éviter ». En aucun cas, la ville n’est un objectif stratégique et Eisenhower a donc décidé de ne pas s’en emparer.
Mais l’insurrection change la donne. Eisenhower, qui suit attentivement son évolution, va être soumis à une pression intense tant de la part du général de Gaulle que de la résistance parisienne. « De l’intérieur de la ville, les FFI ont en quelque sorte forcé les évènements » en déclenchant les hostilités, estimait (en 1999 dans « L’Humanité ») Henri Rol-Tanguy, chef des Forces françaises de l’intérieur pour l’Ile-de-France.
Selon Rol-Tanguy, Gallois rencontre le général George S. Patton le 22 août à 2h30 du matin. « Son récit et ses arguments appuyaient la pression politique qu’exerçait le général de Gaulle sur le commandement allié« , commente Rol.
(Source : info.france2.fr/ – 22 / 08 / 2008 – par Laurent RIBADEAU DUMAS)
Mais Gallois n’est pas le seul à intervenir auprès des Américains. Par télégramme, Chaban-Delmas a saisi Koenig. Parodi a fait de même auprès du colonel Ollivier afin qu’il demande à Eisenhower d’accélérer le mouvement. A ces demandes parallèles, se joignent, en fin d’après-midi du 22, de nouvelles interventions et, notamment, celle écrite par le général de Gaulle.
Après un entretien entre Eisenhower et le général Bradley, commandant en chef du front de l’ouest, et porteur des informations de Gallois, la décision est prise : ordre est donné à la 2e DB de se diriger vers Paris. *
« Les Forces françaises libres à l’intérieur de la ville me forcèrent la main« , écrira plus tard Eisenhower.
Dès 6h30, le 23, les 16 000 hommes, les 4 200 véhicules et les 200 chars de Leclerc s’élancent vers la capitale, soutenus par la 4e division américaine du général Barton. A 13 heures, Leclerc est à Rambouillet pour démarrer son action dès 7h le 24 août.
Ce même jour, à 17h 15, la préfecture de police transmet aux instances FFI, le message qui vient d’être lancé au-dessus de la capitale par un petit avion « Piper » :
« Le général Leclerc me charge de vous dire : tenez bon, nous arrivons. Signé : colonel Crépin, commandant l’artillerie de la 2ème DB.«
Un peu avant 20h, Leclerc donne l’ordre au capitaine Dronne d’entrer dans Paris :
« Dronne , filez sur Paris, entrez dans Paris, passez ou vous voudrez, dites aux Parisiens de ne pas perdre courage, que demain matin la division toute entière sera dans Paris »
A 21h 22, le détachement commandé par Dronne atteint l’Hôtel de Ville, tandis que toutes les cloches de la capitale sonnent pour célébrer l’arrivée du premier détachement de la 2e DB.
Le 25, avec l’appoint des blindés de Leclerc, les FFI vont parachever la libération de la capitale après de durs et sanglants combats.
Dans l’après-midi, le général von Choltitz se résigne à la capitulation. L’acte de reddition est signé par Rol Tanguy en qualité de commandant en chef des FFI et le général Leclerc.
Dans l’après-midi, de Gaulle entre à son tour dans Paris et se rend au P.C. de Leclerc à Montparnasse où il prend connaissance de l’acte de capitulation.
Vidéo : Arrivée du général de Gaulle à Montparnasse
Dans la soirée, après avoir retrouvé les bureaux du Ministère de la Guerre, choisis comme siège de la Présidence du Gouvernement, et avoir inspecté la police parisienne, le général de Gaulle se rend, sous les acclamations, à l’Hôtel de Ville, où il est accueilli par le président du CNR, Georges Bidault. C’est là qu’il prononce son célèbre discours :
« Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré, libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. »
La bataille de Paris est terminée. Les forces parisiennes déplorent plus de 1 500 tués (dont 582 civils) et 3 500 blessés mais 3 200 Allemands ont été tués et 12 800 se sont rendus aux forces françaises de l’intérieur et aux soldats de la 2e DB.
L’écroulement de l’Allemagne nazie est désormais inéluctable.
Le lendemain, 26 août, le chef du Gouvernement provisoire, entouré des membres du CNR, du CPL, des généraux Juin, Koenig, Valin et Leclerc, de l’amiral Thierry d’Argenlieu, de Jacques Chaban-Delmas et des préfets Flouret et Luizet, descend les Champs-Élysées dans une incroyable ferveur populaire.
Le général de Gaulle descend les Champs-Elysées (vidéo)
Mais la libération de Paris n’est pas la fin de la guerre… les Parisiens ne vont pas tarder à s’en apercevoir :
http://www.liberation-de-paris.gilles-primout.fr/difficultes.htm
La découverte de l’horreur :
Jean Galtier-Boissière, dans « Mon journal depuis la libération », écrit à la date du 1er septembre 1944 :
Les journaux parisiens sont pleins d’atrocités nazies ; prisonniers F.F.I aux yeux crevés, aux ongles arrachés, avant d’être abattus sauvagement. Incommensurable stupidité des Boches !
http://www.liberation-de-paris.gilles-primout.fr/horreur.htm
* Selon une information exclusive de la BBC Radio 4, en date du lundi 6 avril 2009, les commandements américain et britannique se seraient assurés que la libération de Paris le 25 août 1944 soit perçue comme la victoire des « Blancs uniquement ».
« Il est plus souhaitable que la division mentionnée (la Deuxième Division Blindée) ci-dessus se compose de personnel blanc », écrivait en janvier 1944 dans une note « confidentielle » le chef d’Etat major d’Eisenhower, Walter Bedell Smith. « Ceci désignerait la Deuxième Division Blindée, qui ne compte qu’un quart de soldats indigènes, comme la seule formation française opérationnellement disponible pouvant être rendue cent pour cent blanche. »
Les Alliés finiront par obtenir gain de cause en faisant appel à des soldats originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (Syriens), ou encore à des militaires espagnols. Les Tirailleurs sénégalais, vocable désignant les troupes françaises issues des colonies d’Afrique de l’Ouest, qui ont constitué « 65% de Forces françaises libres » et dont 17 000 soldats sont tombés lors de la capitulation française en juin 1940, n’auront pas droit à un « accueil triomphal à Paris », souligne l’article de la BBC. (Source : afrik.com/)
Photos : le photographe Henri Guérard se souvient
Vidéos:
http://www.dailymotion.com/video/x1zza3