Article paru le 19 février 2009 dans la Tribune libre de l’Humanité
Danik Ibrahim Zandwonis, rédacteur en chef des Nouvelles Etincelles (hebdomadaire du Parti communiste guadeloupéen)
Un homme est mort
Cette nuit, un homme
est mort. Un mort de plus. Mort à Pointe-à-Pitre
dans la nuit noire qui
s’est lourdement abattue
sur une Guadeloupe en lutte.
Un homme est mort parce que, depuis 30 jours, le gouvernement français s’est enfermé
dans sa surdité. Un homme
est mort, c’était un syndicaliste. Il est mort sans savoir si, aujourd’hui ou demain,
ceux qui obligent tout un peuple à marcher
pour sa dignité comprendront pourquoi il est mort.
La tristesse est dans le camp du LKP.
Un homme est mort, comme en février 1952,
comme en mai 1967. Notre histoire est toujours
une histoire de morts. Car, dans la colonie,
on meurt d’être colonisé, on meurt de vouloir se libérer des chaînes qui, jusqu’en 1848, privaient
les Guadeloupéens de ce bien si précieux qu’est
la liberté. Un homme
est mort. Militant CGTG, militant culturel du groupe Akiyo, proche du collectif LKP. Il était de ceux
qui continuent de croire qu’une cause juste obtient toujours un large soutien. Mais la vie l’a quitté
et il laisse à ses camarades le flambeau d’un combat qui continuera. Ici, chez nous, la violence est
une ombre hélas trop fidèle, qui ne lâche pas
l’homme noir. Un homme est mort en Guadeloupe, terre de conflits toujours plus âpres. Un homme
est mort aussi parce que l’État français,
cyniquement, joue le pourrissement.
Un homme est mort comme sacrifié parce que
les conditions n’ont jamais été réunies
pour qu’enfin les revendications avancées
par le collectif LKP se traduisent par des actes responsables. L’État fuyant, l’État absent,
l’État arrogant et souvent méprisant,
l’État menteur, l’État zigzagueur, l’État sans grâce à nos yeux, l’État dans toute sa « colonialitude » n’est jamais le même à 8 000 km de Paris.
Ici l’État est répressif, sans coeur, parfois haineux, voire raciste parce qu’unicolore. Un homme mort, comme bien d’autres, depuis que ce jour de 1635 quand, au nom du roi de France, cette terre
des Caraïbes est devenue française, anglaise,
puis française. C’est cela l’histoire des peuples
qui n’ont jamais eu la maîtrise de leur histoire. Alors ils sont morts par centaines, par milliers,
ici ou à Verdun, dans les Dardanelles
ou en Indochine, parfois dans la casbah,
car là-bas, chez nous, on meurt aussi pour
des causes qui ne sont pas nôtres.
Un homme est mort bêtement. C’est injuste.