L’Humanité – 13 mars 2010
Jean Ferrat s’est tu
En 50 ans de carrière, Jean Ferrat, qui est mort samedi à 79 ans, a chanté d’une voix grave et douce l’idéal communiste, la fraternité et l’amour, s’insurgeant contre les utopies piétinées, l’injustice et la misère humaine.
« Moi, si j’ai rompu le silence, c’est pour éviter l’asphyxie », chante-t-il dans « Je ne suis qu’un cri ».
Dans son édition de lundi, l’Humanité rendra un hommage à ce géant et à un ami vrai du journal.
Dès ses premières chansons au début des années 60, il exprime sa « nature rebelle » quitte à s’attirer les foudres d’une censure plus ou moins tacite.
Son étiquette communiste dérange : en 1965, « Potemkine » est privée d’antenne et en 1966 il est interdit de petit écran en raison de sa candidature sur la liste PCF aux élections municipales d’Antraigues (Ardèche).
Ma France, cette chanson dans laquelle il s’attaque aux gouvernants (« Cet air de liberté dont vous usurpez aujourd’hui le prestige ») est interdite d’antenne. Ferrat refuse de passer à la télé sans elle et patientera deux ans avant d’être à nouveau invité sur un plateau. En 1971, Yves Mourousi rompt la censure en diffusant un extrait de la chanson.
Jean Ferrat avait fait de cette censure un sujet de chanson ironique : « Quand on n’interdira plus mes chansons, je serai bon à jeter sous les ponts… ».
Son attachement politique, Jean Ferrat le date de son enfance, lorsqu’un militant communiste lui sauve la vie pendant l’Occupation, une période qui lui a ravi à l’âge de 11 ans son père Mnacha Tenenbaum, juif émigré de Russie en 1905 et mort en déportation.
« On ne guérit pas de son enfance », confiera-t-il plus tard. De même, il ne reniera jamais son admiration pour certains des combats du communisme, comme la lutte contre le nazisme, le colonialisme et l’argent roi.
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Jean Ferrat sort peu de sa tanière mais chaque apparition, chaque nouvel album est un événement médiatique, et souvent l’occasion d’un nouveau « coup de gueule » : contre la grande industrie du disque et de la communication qui condamne le pluralisme et la liberté, contre le PAF qu’il juge « obscène », contre le nucléaire ou contre la condamnation du contestataire José Bové qu’il soutient en 2007 comme candidat « antilibéral » à l’élection présidentielle. Récemment, il a soutenu le Front de Gauche dans la campagne des élections régionales.
Tantôt engagé, tantôt poète émerveillé, le chanteur alterne tendresse et colère. Il met en musique la poésie « jaillissante » de Louis Aragon, dont certains textes sont maintenant indissociables de la voix chaude et caressante de Ferrat (« Que serais-je sans toi », ou « Aimer à perdre la raison »).
Ermite bucolique aux prises avec l’humanité, il aurait voulu « être le cri de la mésange/n’être qu’un simple gazouillis », mais la condition humaine aura fait de lui « le cri qu’on abrège, la détresse infinie ».
[Article complet : humanite.fr/]
Quelques réactions
Marie-George Buffet s’est déclarée « bouleversée » par la disparition de Jean Ferrat, toute sa vie compagnon de route du parti sans jamais en avoir été membre. Dans un communiqué, Mme Buffet écrit que « notre ami, notre camarade Jean Tenenbaum dit Jean Ferrat est parti ce samedi rejoindre ses amis les poètes ». Soulignant que « son compagnonnage critique avec le Parti communiste était utile et exigeant », Mme Buffet a ajouté que « Jean Ferrat, était le chanteur dont le sens de l’humanité et de la justice a accompagné l’engagement de générations de militants ». (Source : LeMonde.fr)
« La voix chaude, tendre et persuasive de l’auteur de ‘La Montagne’ s’est tue. Sa mort est un deuil pour la chanson française et tous les artistes français, dont il était le maître incontesté. Jean Ferrat alliait à son immense talent, un engagement militant auquel il n’a jamais failli… » (F. Fillon)
« Avec la disparition de Jean Ferrat, c’est un pan entier de la musique française qui disparaît. Je salue l’artiste, l’humaniste et le militant ». (Pascal Nègre, président d’Universal Music France, à l’Associated Press)
Il était le dernier des grands après Ferré, Brassens et Brel… Il y a des millions de gens très tristes ce soir : ceux qui sont engagés comme lui, ceux qui aiment la montagne, ceux qui aiment à perdre la raison, l’une des plus belles chansons d’amour… » (Michel Drucker)
Ma France
http://www.dailymotion.com/video/xckhptLa Montagne
http://www.dailymotion.com/video/xbh7b5
Les Tournesols
http://www.dailymotion.com/video/xcasjv
Que serais-je sans toi ?
http://www.dailymotion.com/video/xawkli