Entretien réalisé par Jean Roy
« Il est nécessaire de parler et d’affronter son histoire »
Tout le monde ne connaît pas l’existence des
« triangles roses » déportés
en raison de leur homosexualité. L’arbre et la forêt, le nouveau fim de Olivier Ducastel et Jacques Martineau.
Depuis leur premier film, Jeanne et le Garçon formidable, en compétition à Berlin en 1998 et deux fois nommé aux césars la même année, nous voulions rencontrer Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Suivront Drôle de Félix (au Panorama à Berlin en 2000), Ma vraie vie à Rouen (en compétition à Locarno en 2002), Crustacés et Coquillages (au Panorama à Berlin en 2005), Nés en 1968 dans sa double version cinéma et télévision, et, désormais, l’Arbre et la Forêt (au Panorama à Berlin il y a dix jours).
L’entretien a enfin lieu, chez eux, une vue imprenable sur tout Paris et un voisin qui manie la perceuse comme d’autres jouent de l’épinette.
Qu’est-ce qui vous a amenés
à réaliser ce film ?
OD-JM. J’avais (commence Jacques) lu et fais lire à Olivier le livre écrit en 1994 par Pierre Seel, Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel (chez Calmann-Lévy), témoignage qui a contribué à briser le silence sur cet aspect de la déportation. Il y avait un beau sujet mais il fallait savoir quoi en faire. C’était aussi l’occasion de quitter l’esprit de comédie de certains de nos films précédents pour aller vers une forme plus posée et plus construite. L’actualité est passée par là avec, en 2001, le discours de Jospin, alors premier ministre, reconnaissant qu’il y avait eu de la déportation homosexuelle, qui, je dois dire, nous est un peu passé au-dessus de la tête, puis, en 2005, la reprise de cette déclaration par Jacques Chirac, président de la République, à l’occasion de la Journée nationale du souvenir, puis lors de l’inauguration du Centre européen du résistant déporté au Struthof, qui n’a pas bouleversé la donne mais a quand même fait bouger quelque chose. D’où la nécessité de parler et d’affronter son histoire. Est arrivée au même moment la fiction diffusée par France 2, l’Amour à taire, de Christian Faure
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Plaque à la mémoire des victimes homosexuelles du nazisme, apposée dans le camp de concentration de Neuengamme.
Dans les camps nazis, les déportés homosexuels doivent porter un triangle rose, pointe tournée vers le bas, qui les identifie comme tels. La hiérarchie concentrationnaire les place au plus bas de l’échelle sociale des camps, ce qui ne leur permet guère d’entretenir des relations d’entraide avec les autres déportés et d’améliorer ainsi leurs chances de survie. Victimes expiatoires toutes désignées puisque déjà mises au ban de la société non carcérale, les homosexuels sont, à l’instar des Tziganes, astreints aux travaux les plus durs et les plus dégradants. De fait, statistiquement, le taux de mortalité de ces déportés figure parmi les plus élevés des camps.
(Source : http://triangles-roses.blogspot.com/)