le 16 Novembre 2011 - Entretien réalisé par Michel Guilloux
Culture
Robert Guédiguian,
son communisme et la jeunesse du monde
Quand tout disparaît, travail, usines, comment ne pas sombrer dans l’individualisme,
la résignation ou la haine ?
Avec les Neiges du Kilimandjaro, le cinéaste rebat les cartes de l’espoir, de l’utopie, de la vie, inspiré
par un des poèmes de la Légende des siècles, de Victor Hugo. Entretien.
Découvert, lors de sa présentation au dernier Festival de Cannes, comme l’un des films politiques les plus
stimulants, avec Le Havre, d’Aki Kaurismäki, ou l’Exercice de l’État, de Pierre Schoeller, les Neiges du Kilimandjaro
revient à Marseille, après le Paris de l’Armée du crime. Ni Conte de l’Estaque ni film noir, cet opus, qui sort
aujourd’hui en salles, creuse sous un autre angle la problématique du précédent. Par les temps qui courent,
la rencontre avec l’auteur s’imposait d’autant plus.
Un an avant le 21 avril 2002, vous signiez La ville est tranquille, la réalité de ce film-là a empiré depuis
et imprègne ce film-ci…
Robert Guédiguian. Dans La ville est tranquille, on laissait chacun à ses affaires ou, disons,
à ses malheurs. Le constat posé dans les Neiges du Kilimandjaro est terrible mais l’attitude
de ce couple est exceptionnelle, héroïque, exemplaire, au sens strict du terme.
Tout le paradoxe sur lequel est construit le film est d’être encourageant quand la situation
dépeinte, elle, est catastrophique.
Il y a là quatre figures ouvrières antagonistes.
Avec Gérard Meylan, nous avons une figure dure, réactionnaire, pas loin de glisser vers l’extrême droite.
Les enfants, eux, sont très agaçants, tant ils ne sont pas à la hauteur de leurs parents, se contentant de
leur petit confort qui fonctionne ; tout ça vivote et surtout ne prenons aucun risque, restons entre soi,
mettons des œillères – eux sont un peu « les tièdes » que « Dieu vomit ».
Avec le personnage de Grégoire (Leprince-Ringuet – NDLR), surgissent le sentiment d’injustice, presque
révolutionnaire, égalitariste, et une figure très contemporaine, celle de l’ignorance, de la méconnaissance
de ce qu’ont pu faire pour les autres ces deux-là, Michel et Marie-Claire (Jean-Pierre Darroussin et Ariane
Ascaride – NDLR), des vrais, des militants de base, ceux qui, enfin, sont «parfaits».
Voilà quatre comportements possibles dans ce monde des « pauvres gens », cela dit par commodité. Renoir
disait que «chaque personnage a ses raisons» mais Michel et Marie-Claire, eux, ont raison. Si je peux expliquer
les autres comportements, je ne les justifie absolument pas. Eux attendent de savoir avant de juger, voilà un
sentiment que j’aime bien : se sentir responsable. Je supporte de moins en moins les gens pour qui tout ce
qui arrive n’a rien à voir avec leur propre vie.
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--> La critique des Neiges du Kilimandjaro
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--> Le communiqué de Patrick Le Hyaric à la suite de l’attribution du prix Lux 2011, par le Parlement européen, au film de Robert Guédiguian