SEXISME
Des inégalités salariales aux violences sexuelles :
le quotidien des femmes au travail
Par Nolwenn Weiler
En France, la moitié des salariés sont des femmes. Aux inégalités de salaires et de carrières persistantes,
qui se répercutent au moment de la retraite, s’ajoutent des violences sexistes et sexuelles :
chaque année 3 000 viols sont perpétrés sur le lieu de travail, souvent dans une quasi-impunité.
Des associations et des syndicalistes se mobilisent sur ce sujet encore tabou.
« À travail égal, salaire égal ! » Le slogan date de… 1972. Quarante ans plus tard,
on est évidemment loin du compte. En 2008, les écarts salariaux moyens entre
hommes et femmes sont de 23,6 % dans le secteur privé et de 17 % dans la fonction
publique d’État. Et à l’heure où sonne la retraite, les femmes perçoivent, en moyenne,
40 % de moins que les hommes.
La structure même de l’emploi explique en grande partie ces différences de revenus.
Puisque les messieurs ont des carrières plus complètes – les trois quarts des temps
partiels sont occupés par des femmes – et davantage d’emplois qualifiés, donc mieux payés.
La lutte contre les temps partiels imposés, dont le nombre a explosé depuis les années 1990, apparaît cruciale. Les syndicats doivent aussi faire de la lutte contre les inégalités hommes/femmes une question prioritaire. C’est loin d’être le cas aujourd’hui. « Il y a des accords de principe, mais peu de bagarres sont menées, souligne Annick Coupé, de l’Union syndicale Solidaires. Il semble que ce soit toujours moins grave pour une femme d’avoir un salaire réduit. »
Des inégalités peu combattues
En 2008, au moment, où débute la crise, des négociations sont menées entre les syndicats et le patronat. Les mesures d’aides au chômage partiel sont activées. « C’est très bien. Il fallait le faire, commente Annick Coupé. Mais qui s’est déjà posé la question des salaires amputés des caissières, par exemple ? Qui s’est demandé comment, elles, bouclent leurs fins de mois ? Il est encore très ancré que les salaires des femmes viennent en appoint. »
Divers textes, arrachés au fil des années, mentionnent l’obligation pour les partenaires sociaux de négocier sur ces questions. En 1983, est imposé le rapport annuel de situation comparée (RSC) [1]] entre les hommes et les femmes, pour les entreprises de plus de 300 salariés du secteur privé. À partir de 2001, direction et syndicats sont tenus de négocier sur l’égalité professionnelle.
Cinq ans plus tard, en 2006, apparaît l’engagement de réduire les écarts salariaux. Des mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération doivent être prises avant le 31 décembre 2010. Et, depuis le 1er janvier dernier, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent disposer d’un accord collectif sur l’égalité professionnelle ou, au minimum, d’un plan d’action.
Mais ce dernier impératif n’est, pas plus que les précédents, assorti de mesures réellement coercitives. « Si rien n’a été mise en place au moment où passe l’inspecteur du travail, l’employeur a six mois pour remédier à la situation. Au terme de ce délai, il peut-être condamné à des pénalités financières d’un montant maximum de 1% de la masse salariale… mais cela reste à apprécier par l’inspecteur », regrette Annick Coupé.
Décontamination mentale
L’emploi des femmes pâtit aussi de la très inégale répartition de l’exercice des responsabilités familiales. « Les hommes n’assurent que 35 % des tâches domestiques, et cette proportion n’évolue que très lentement : le ratio n’a augmenté que de 3 % entre 1986 et 1999 ! », rappelle Annick Coupé. Elle souhaiterait que syndicats, patronat et pouvoirs publics encouragent davantage les hommes à prendre leurs congés paternité et parental. « Alors que les hommes en couple restent, pour 90 % d’entre eux, à temps plein quel que soit le nombre de leurs enfants, les femmes ne sont plus que 68 % à travailler à temps complet avec un enfant et seulement 39 % avec plusieurs enfants », détaille l’Observatoire des inégalités.
Selon Dominique Meda, sociologue, interviewée par nos confrères d’Alternatives économiques, il faudrait aussi « soumettre l’ensemble de la société à une grande « décontamination », à une radiographie de tous les stéréotypes de genre qui expliquent, de proche en proche, l’ensemble des inégalités : petites filles moins encouragées dans les petites classes, stéréotypes sur les métiers « féminins » et « masculins » véhiculés par les familles, le corps enseignant et les médias tout au long de la scolarité, préjugés sur les rôles familiaux qui font obstacle à un partage égal des responsabilités professionnelles… »
3 000 viols au travail par an
Très répandues dans le monde du travail, et le plus souvent impunies, les violences sexistes et sexuelles participent elles aussi à une persistance des inégalités, en même temps qu’elles les génèrent. Le seul sondage national sur ce sujet date de 1991 [2]. 19 % des femmes actives déclarent alors avoir été victimes ou témoins de harcèlement sexuel au cours de leur vie. Seize ans plus tard, en 2007, une enquête de l’Insee montre que près de 5 % des viols dont les femmes sont victimes se produisent sur le lieu de travail. Soit environ 3 000 par an.
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Source : basta ! – 17 janvier 2012
URL de l’article : http://www.bastamag.net/article2050.html
Photo : BNCTONY via Flickr