Souveraineté alimentaire
Des maisons de semences paysannes pour se libérer de l’agrobusiness
Par Sophie Chapelle (7 novembre 2012)
C’est un mouvement mondial : du Brésil à la Grèce,
en passant par le Périgord, des maisons et des banques
coopératives de semences se multiplient.
L’objectif : libérer les agriculteurs des droits de propriété
imposés par l’industrie semencière, ne dépendre ni des OGM
ni des pesticides, et cultiver la biodiversité.
Plus de 300 paysans de quinze pays sont venus témoigner
en France de leurs expériences collectives en faveur de la souveraineté alimentaire.
« Il faut nous organiser pour récupérer toutes les semences qui sont dans les banques de gènes et remettre
ce trésor entre des mains sures, celles des paysans ». Au milieu d’une centaine de variétés de maïs, en plein
cœur de la Dordogne, Bertrand Lassaigne raconte l’histoire de la première maison de semences paysannes
en France. Installé depuis 20 ans près de Périgueux, Bertrand cultive principalement des céréales
et des protéagineux – maïs, céréales à paille, soja, lentilles… Peu à peu, il développe son autonomie
en semences et parvient en moins de dix ans à autoproduire la quasi-totalité de ses cultures, sauf en maïs
où il continue chaque année d’acheter de la semence non reproductible qualifiée d’hybrides.
En 1999, une rumeur circule parmi les producteurs de maïs : des semences polluées par des OGM auraient été
vendues. Bertrand Lassaigne, un des rares agriculteurs à produire du maïs bio, pressent la nécessité de trouver
une alternative aux semences industrielles proposées par les semenciers. C’est le début d’un long chemin
pour se réapproprier des savoirs-faire perdus. Pour éviter les OGM, il part chercher des semences au Guatemala.
Et ramène onze variétés de maïs qu’il sème à son retour. Mais le résultat est décevant : les variétés collectées
ne sont pas du tout adaptées au climat.
S’affranchir de l’industrie semencière
Le début du projet est laborieux. La difficulté de trouver de nouvelles variétés s’ajoute à un contexte réglementaire
menaçant, qui ne permet ni la vente ni les échanges de semences [1]. Le travail de Bertrand se déroule dans une
quasi-clandestinité ! Ce qui limite de facto la communication autour du projet. Mais le bouche-à-oreille fonctionne :
plusieurs agriculteurs mettent à disposition « la variété de leurs aïeux ». Bertrand réalise lui-même les premiers
croisements, donnant naissance à de nouvelles variétés. Au sein d’AgroBio Périgord, l’association de développement
de l’agriculture biologique, Bertrand s’associe à d’autres agriculteurs et jardiniers pour créer la Maison des Semences
Paysannes.
Onze ans plus tard, les résultats sont là. Leur maison de semences [2] compte plus d’une centaine de variétés de maïs
adaptées aux conditions de l’agriculture biologique. Souvent plus riches en protéines, les variétés sélectionnées sont
moins exigeantes en eau et plus résistantes aux maladies que les semences industrielles. Surtout, elles peuvent être
replantées d’année en année, contrairement aux semences industrielles dont les droits de propriétés contraignent
l’agriculteur à racheter ses semences l’année suivante.
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