
La régression façon puzzle
L’éditorial de Patrick Apel-Muller.
« À gauche, la loi Macron, que de plus
en plus de députés de droite se disent
disposés à voter, suscite une indignation
et des mobilisations croissantes. »
« On place ses éloges comme on place de l’argent,
pour qu’ils nous soient rendus avec les intérêts »,
écrivait Jules Renard. Xavier Bertrand, candidat UMP
à la primaire pour 2017, n’avait pas d’autre dessein
en couvrant hier de compliments Manuel Valls : « Prenez le pouvoir ou prenez vos responsabilités. »
Égrenant sa liste d’un programme ultralibéral, l’ancien ministre des Affaires sociales appuie Matignon
pour « faire des réformes jusqu’au bout ».
Le calcul est limpide : la démission du premier ministre devant l’idéologie du Medef conforte le discours
de l’UMP et les brutalités infligées aujourd’hui serviront de point d’appui à celles envisagées demain.
C’est dire encore combien le ralliement à l’austérité du petit cercle
des gouvernants fortifie les projets
les plus réactionnaires. C’est un scénario qui s’est déjà déroulé en Allemagne
avec le résultat qu’on sait,
et une Angela Merkel
qui danse désormais sur les décombres du Parti social-démocrate.
À gauche, la loi Macron, que de plus en plus de députés de droite se disent disposés à voter,
suscite une indignation et des mobilisations croissantes. Cela a même secoué les états généraux
du Parti socialiste, pourtant anesthésiés par une charte sans odeur, ni saveur. En mettant en cause
ce projet, Marie-Noëlle Lienemann l’a emporté à l’applaudimètre. Un nombre croissant de députés
socialistes hésitent à se compromettre en votant à l’Assemblée une telle régression. La protestation
n’est pourtant pas si aisée à organiser. En éparpillant façon puzzle les garanties sociales, le patron
de banque promu ministre s’efforce de disperser les oppositions.
Le Front de gauche a décidé hier, dans la variété de ses composantes, de s’engager dans une campagne
qui permette de donner corps au mécontentement à l’égard d’un texte qui puise son inspiration
dans les bréviaires du Medef. Le pire n’est pas certain.