Intermittents : Entretien avec Denis Podalydès (l’Humanité)
Posté par communistefeigniesunblogfr le 16 juin 2014
Denis Podalydès : « Je parle en démocrate que les événements
ne cessent de consterner »
Entretien réalisé par Muriel Steinmetz - 16 juin 2014
Sociétaire de la Comédie-Française, Denis Podalydès
évoque la situation actuelle des intermittents du spectacle
et réaffirme la solidarité de la troupe du Français.
La Comédie-Française se met en grève. C’est quand même le théâtre national le mieux nanti…
DENIS PODALYDÈS Raison de plus ! Le premier des théâtres publics doit montrer sa solidarité, mettre sa notoriété,
sa stabilité au service des acteurs culturels moins stables et moins connus, et pourtant indispensables. Le régime
d’intermittence tel que nous l’avons connu, tel qu’on veut, qu’on doit le défendre, est une richesse culturelle
française de premier ordre. C’est lui qui a permis la fécondité, la liberté, l’audace de la création contemporaine,
dans toutes les disciplines, théâtre, cinéma, danse, cirque, etc. Nous entrons tous dans le métier par l’intermittence,
de sorte que nous le restons, nous commençons tous par être « précaires » comme on dit, de sorte que nous le restons
aussi, et le redevenons parfois. Un acteur qui quitte la Comédie-Française ne totalise aucune heure ; il recommence
tout de zéro. J’ajoute que le Français emploie un grand nombre d’intermittents dans le personnel technique.
Au-delà des revendications catégorielles, quels sont les dangers liés à la suppression de ce régime
si précieux pour la culture en général ?
DENIS PODALYDÈS Perdre des foyers de créativité qui ne s’entretiennent que par sa spécificité. Une jeune compagnie,
en recherche, qui ne trouve pas encore de subside efficace, peut néanmoins poursuivre son travail si ses membres
vivent décemment. Et même une compagnie bien installée dans le paysage culturel en est totalement dépendante.
Entre deux spectacles, pour le temps de création et d’incubation que cela peut impliquer, l’allocation permet de se vivre
et de se maintenir comme artiste, dignement, sans avoir à multiplier ni les petits boulots ni les panouilles, qui parfois
dégradent ou dévaluent un artiste. Cela permet de maintenir une qualité de travail, un entretien des talents,
une relative paix dans la considération de soi-même aussi. Ce sont des métiers très fragilisants de ce point de vue,
qu’on soit acteur ou technicien, metteur en scène ou décorateur. Trop de gens perdent l’estime d’eux-mêmes
et de leur travail dans des périodes chômées trop difficiles. Et il faut aussi s’ôter de la tête qu’un intermittent est
forcément un artiste ou un technicien laborieux, qui rame faute de talent ou de légitimité dans la carrière.
Ça, c’est le plus dur à extirper d’une bonne conscience bourgeoise !
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