« Le discours raciste a pénétré les consciences »
Le rapport annuel de la Commission Nationale Consultative
Des Droits De L’Homme sur la lutte contre le racisme,
l’antisémitisme et la xénophobie (CNCDH) révèle une inquiétante
montée du racisme. Selon l’étude, 9% des Français se disent
« plutôt racistes » et 26% « un peu racistes », en augmentation de plusieurs points depuis 2012.
Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, décrypte cette « libération de la parole raciste ».
Que retenez-vous de ce rapport 2013 ?
Christine Lazerges. Le premier enseignement, c’est ce nouveau recul de la tolérance vis-à-vis, non pas seulement de l’étranger, mais de l’autre. Qu’autant de Français se disent aujourd’hui « racistes », cela met en cause notre pacte républicain. C’est un peu comme si le discours dans lequel la France a baigné depuis dix ans, notamment sous le mandat de Nicolas Sarkozy, avait pénétré les consciences : « il y a trop d’immigrés en France », « ils sont ici pour profiter de la protection sociale »… Toutes ces idées sont de plus en plus partagées. Avec au final une nette libération de la parole raciste, et même un défoulement oral, pas seulement sur internet, où cela prend des proportions considérables.
Pourtant, vous soulignez aussi que la France est moins raciste aujourd’hui qu’il y a trente ans…
Christine Lazerges. C’est vrai. Nous ne sommes plus, par exemple, au temps des ratonnades. De même, les mariages entre nationalités différentes, ou religions différentes, sont aussi en nette hausse. Mais tout n’est pas réglé, loin de là. Au fond, le racisme biologique a en partie cédé la place à un racisme culturel. Avec des résurgences toujours possibles – on l’a vu récemment avec les propos dont a été victime la garde des Sceaux Christiane Taubira.
Quelles sont les causes de cette libération de la parole raciste mesurée en 2013 ?
Christine Lazerges. Outre le discours public que j’évoquais à l’instant, il y a bien sûr la crise économique qui sévit depuis 2009. Car on cherche toujours des responsables à nos propres malheurs. Et les boucs émissaires du moment, ce sont les arabo-musulmans et les Roms. Notre sondage montre en effet que l’antisémitisme est très largement condamné et que les juifs ne sont pas considérés comme un « groupe à part » dans la société française. C’est beaucoup moins net pour les arabo-musulmans, avec un développement très clair de l’islamophobie, une notion que nous intégrons pour la première fois dans notre rapport, car elle revêt une réalité incontestable. Et la stigmatisation est encore plus forte pour les Roms, qui ont été sur la dernière période victimes de propos inacceptables, émanant d’élus, dont certains ont d’ailleurs été réélus dimanche dernier…
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Le dossier de presse du rapport de la CNCDH
la responsabilité des politiques dans la montée du racisme