L’Édito de l’Humanité : La lame et le manche
Posté par communistefeigniesunblogfr le 5 février 2014
Éditorial Par Maurice Ulrich
Édito : La lame et le manche
L’éditorial de Maurice Ulrich.
« La droite et l’extrême droite ne désarmeront pas
et elles le feront d’autant moins que, chaque fois,
elles n’ont pas testé la force de l’exécutif
mais éprouvé sa faiblesse. »
L’incroyable reculade du gouvernement est, si on peut
le dire ainsi, une triple faute et une erreur. Une faute au regard
des attentes du peuple de gauche, une faute éthique, une faute
idéologique. La loi sur la famille en préparation n’avait rien à voir
avec les délires de la droite et de l’extrême droite qui étaient
dimanche dans la rue. Elle visait à apaiser les conflits et les tensions que connaissent des milliers d’enfants ou de couples dans des familles adoptives ou recomposées, faute de statuts et de droits. Les manifestants de dimanche, eux, voulaient absolument y voir une prétendue « familiophobie » du gouvernement, reprenant la rumeur insensée de l’enseignement à l’école d’une théorie du genre, qui voudrait faire des filles des garçons, ou l’inverse, généraliser l’homosexualité, voire la pédophilie. En reculant, François Hollande et le gouvernement donnent tort à la loi, c’est la faute éthique ; et ils donnent à penser que ce sont bien les manifestants de dimanche qui avaient raison, c’est la faute idéologique. Les fantasmes et les mensonges sont légitimés. Il s’agit bien d’une victoire de l’obscurantisme consacrée par le gouvernement.
Jean-Marc Ayrault voudrait faire croire que c’est de bonne politique, que l’on ne peut mépriser les raisons qui ont conduit dans la rue des milliers de Français. Eh bien non. C’est une erreur politique, car c’est une capitulation de plus. Il est vrai que la loi sur le mariage pour tous a finalement été votée, mais pour le reste, des pigeons aux « bonnets rouges », le président de la République et son premier ministre ont chaque fois reculé. En matière sociale, le choix qu’ils ont fait, qu’il s’agisse de la flexibilité au travail, des cotisations sociales avec le pacte de responsabilité ou des retraites a été celui du Medef, y compris contre les forces syndicales. Il ne faut pas chercher ailleurs le discrédit dont ils font l’objet à gauche. Ils n’ont pas été élus pour cette politique-là.
Pour autant, ils n’ont pas amadoué la droite et l’extrême droite.
Elles ne désarmeront pas et elles le feront d’autant moins que,
chaque fois, elles n’ont pas testé la force de l’exécutif
mais éprouvé sa faiblesse. Comme à courre, en veste de chasse,
pantalons de velours et mocassins, elles veulent la curée.
Le procès en légitimité qui est fait de plus en plus ouvertement
au gouvernement et au président, quand bien même les principaux ténors
de l’UMP font mine de le prendre avec des pincettes, ne signifie pas autre
chose. Le gouvernement s’est coupé de l’électorat populaire et de gauche
qui pouvait lui donner, avec une incontestable légitimité, les moyens
et la force d’agir pour le progrès sociétal et social. Il n’a rien gagné de l’autre côté, au contraire, et,
selon cette formule cocasse que l’on affectionne, c’est le couteau sans manche dont on a enlevé la lame.
Il est vrai qu’on ne peut écarter totalement les hypothèses de sordides calculs politiciens,
qui viseraient à affaiblir la droite et l’UMP, au profit d’une extrême droite en ordre dispersé mais faisant
au total le jeu du Front national, avec l’idée de rassembler malgré tout, derrière le président ou tel ou tel
de ses ministres, les démocrates inquiets. Disons-le, si c’était le cas, nous serions dans les égouts
de la politique. Mais pour l’heure, à gauche et quelles que soient les crispations et les colères,
le temps n’est pas aux anathèmes mais bien plutôt au rassemblement de toutes celles et ceux
qui vraiment, oui, vraiment, n’ont pas voulu cela.
Publié dans Extreme-droite, F. Hollande, France, POLITIQUE, PS, SOCIETE | Pas de Commentaire »