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« La rue rapproche l’UMP de l’extrême droite » (Danielle Tartakowsky)

Posté par communistefeigniesunblogfr le 26 janvier 2014

 

DROITE

Danielle Tartakowsky « La rue rapproche l’UMP de l’extrême droite »

 

D.Tartakowsky

 

  Rassemblés autour du collectif « Jour de colère », plusieurs milliers

  d’identitaires, de membres du « Printemps français », d’intégristes

  comme de Civitas, des opposants au mariage pour Tous et même

  des soutiens à Dieudonné ont manifesté à Paris.

  A cette occasion, Danielle Tartakowsky, historienne spécialiste

  de la droite et présidente de l’université Paris-VIII,

  répond aux questions de l’Humanité.

 

 

 

Dans votre ouvrage les Droites et la rue (1), vous revenez sur l’histoire des manifestations

des droites françaises. Celles qui fleurissent depuis l’élection de François Hollande ont-elles

un caractère inédit ?

Danielle Tartakowsky. On a tendance à l’oublier mais la manifestation fait partie de la culture de certaines

composantes de la droite : les maurrassiens, puis les ligues, jusqu’à l’extrême droite d’aujourd’hui, mais aussi

ces mouvements socioprofessionnels, type médecins ou petits patrons, qui resurgissent régulièrement.

La Manif pour tous mais aussi les premières mobilisations des « bonnets rouges » s’inscrivent totalement

dans les mobilisations antérieures des droites françaises, qui ont souvent été d’une ampleur exceptionnelle

et ont réussi à peser sur le pouvoir. À ceci près que les manifestations organisées par les droites à partir de

1983-1984 s’opposaient à un aspect particulier de la politique de la gauche plutôt qu’au gouvernement.

Ce qui était le cas de la Manif pour tous. Or là, avec le collectif Jour de colère, la cible est clairement l’ensemble

du pouvoir socialiste. Chaque fois que la droite a choisi la rue, elle a produit en chaîne des tournants forts

dans l’histoire politique.

Pourquoi l’Église occupe-t-elle une place si décisive dans la structuration de ces mouvements ?

Danielle Tartakowsky. Il y a chez les catholiques une tradition d’occupation de l’espace public comme avec

la procession. Les seuls mouvements de masse nés à droite ont été organiquement initiés et animés par eux.

Ce fut le cas avec le rôle des paroisses contre le Cartel des gauches en 1924-1925, ou celui des organisations

de parents d’élèves d’écoles privées en 1984 pour l’école libre, ou encore le Pacs en 1999. À ce titre, les Manifs

pour tous de 2013 ont été beaucoup moins transparentes, même si c’est bien la logistique catholique qui était

à l’œuvre. Ce qui me frappe à chaque fois, c’est qu’on ne retrouve pas ces catholiques mobilisés sur des questions

d’ordre « sociétal » dans d’autres mouvements directement politiques à droite. Le 6 février 1934, qui entraînera

quand même la chute du cabinet Daladier, les catholiques ne bougent pas.

Depuis les ligues factieuses des années 1930, la droite parlementaire était devenue réticente

aux manifestations. Aujourd’hui Jean-François Copé soutient les mobilisations de la nébuleuse

Jour de colère. Peut-on y voir l’expression d’« une rupture républicaine » au sein de la droite actuelle ?

Danielle Tartakowsky. La manifestation du 6 février 1934 a eu pour effet pervers d’engager le processus

du Front populaire. Du coup, les droites ne sont plus descendues dans la rue jusqu’au 30 mai 1968. Ce qui explique

encore certaines réticences à droite, souvent issue du mouvement gaulliste, à faire usage de la rue,

défendant encore la légitimité républicaine. S’engager dans un mouvement de rue pour une partie de l’UMP

aujourd’hui, c’est emprunter une voie qui pose le rapprochement avec l’extrême droite.

(1) Les Droites et la rue, de Danielle Tartakowsky. Éditions la Découverte, 220 pages.

Entretien réalisé par Maud Vergnol

Lire également :  « Jour de colère » : la manifestation des extrêmes

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