Suppression des élections prud’homales : Entretien avec Patrick Henriot, du Syndicat de la magistrature
Posté par communistefeigniesunblogfr le 13 janvier 2014
Prud’hommes
Suppression des élections prud’homales :
« Des justifications technocratiques insuffisantes »
Pour Patrick Henriot, du Syndicat de la magistrature,
la suppression des élections prud’homales délégitimerait
la juridiction du monde du travail.
Que pensez-vous de la suppression des élections prud’homales ?
Patrick Henriot. Je ne pense pas qu’il y ait derrière ce projet
une intention cachée d’affaiblissement de l’institution prud’homale
et de la démocratie sociale. Mais il est évident que les arguments
technocratiques avancés ne sont pas du tout suffisants pour justifier
la suppression des élections.
La question du coût par exemple, ne convainc pas. Le montant n’est pas gigantesque, et puis la démocratie sociale
n’a pas de coût ! L’importance de l’enjeu, à savoir la légitimité d’une des institutions juridictionnelles de l’État,
mérite qu’on y mette de l’argent, même en période de restriction budgétaire.
L’argument du faible taux de participation ne convainc pas non plus car pour certaines élections politiques
la participation est aussi très basse, et on ne supprime pas ces élections. Certes cette abstention est préoccupante,
mais il y a sûrement des moyens de faire remonter le taux de participation, à travers d’autres modalités de vote,
un effort sur la sensibilisation des électeurs.
Au regard de ces arguments technocratiques, il faut mettre en balance l’importance de cette élection en termes
de légitimation d’une institution qui a une mission juridictionnelle essentielle pour la pacification des relations sociales.
Les conseillers prud’hommes ne sont pas des juges professionnels, ils n’ont pas passé un concours et n’ont pas
l’onction d’une nomination par décret du président de la République, avec un statut défini par des textes. Ils tirent
leur légitimité de leur origine professionnelle, du fait qu’ils sont les pairs des parties au litige prud’homal.
Leur élection par un corps électoral très large et non catégoriel, regroupant l’ensemble des salariés et des employeurs,
compte beaucoup dans l’affirmation de cette légitimité et dans l’acceptation de cette justice par les salariés
et les employeurs. La représentation qu’on se fait d’une juridiction est au moins aussi importante que la réalité
de son organisation et de son fonctionnement.
Si les juges sont désignés par les organisations syndicales et patronales, on peut facilement imaginer le trouble
que cela peut provoquer dans l’esprit du public : à quel titre cette personne est investie du pouvoir de me juger,
de juger mon affaire?
A lire : le gouvernement s’attaque au symbole prud’homal
Le rapport Marshall remis fin décembre au gouvernement préconise d’instaurer
aux prud’hommes l’échevinage, qui consiste à faire juger les affaires par un juge professionnel,
assisté de conseillers salariés et employeurs…
Patrick Henriot. Derrière ce projet il y a l’idée, non dite mais fortement suggérée, que le droit du travail devient
une affaire de spécialiste pour laquelle les juges prud’hommes ne sont pas compétents.
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A lire aussi :
- Un recul de la démocratie sociale, par Lucien Jallamion, secrétaire national de République
et socialisme.
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