par Bernard Gensane
Jeudi 25 avril, l’émission “ Des Paroles et des Actes ”
recevait Jean-Luc Mélenchon. Cette émission est
un exploit physique et intellectuel. L’invité doit répondre,
deux heures durant, sans jamais faiblir, à un feu roulant
de questions posées par des interlocuteurs successifs.
Il va de soi que Mélenchon est reçu sur ce plateau
de manière moins urbaine que d’autres politiques.
Dès sa prise de parole, le tout petit Pujadas (beaucoup de choses furent petites durant ces deux heures) présenta
le co-président du Front de gauche en disant qu’il « éructait ». Ce qui signifiait qu’il renvoyait par la bouche
des gaz contenus dans l’estomac (éructer appartient à la même famille que rot). Une personne qui éructe est
pour le moins excessive : « Dans ce “ oh ” éructé du fin fond de la gorge, un monde de haine tenait » (Courteline).
Mélenchon ne releva pas l’insulte.
Nous eûmes droit à la médiocrité de Nathalie Saint-Cricq, chef du service politique de France2 (ah, le grotesque
de sa séquence people !). Ce cadre important du service public tenta, pendant vingt minutes, de désarçonner
Mélenchon à propos de certaines expressions fortes et colorées qu’il affectionne, comme le « coup de balai »,
qu’il a effectivement utilisé, et le « salopard », prononcé par un de ses camarades et qu’il a assumé.
Mélenchon justifia ce terme en expliquant que des ministres européens qui enfoncent le peuple grec
dans la misère se conduisent de manière moralement répréhensible (ce qui est le propre du salaud). Il qualifia
également son ancien contradicteur Cahuzac de « voyou », qualificatif désormais entré dans la doxa.
Le bouillonnement intérieur de Saint-Cricq exsudait de la haine.
Nous eûmes droit au questionnement obsessionnel (« je vous pose simplement la question ») de François Lenglet,
rédacteur en chef à France2, ancien des Échos, de La Tribune, de BFM, un « libéral », comme le qualifia justement
Mélenchon. Je passe rapidement sur Hélène Jouan, qui resta dans les clous de la joute normale en la matière,
et sur Benoît Apparu qui, comme son maître Alain Juppé, est, en politique du moins, un artiste de la psychorigidité.
J’en viens à Attali. Il se dirigea lentement vers son siège et s’adressa de manière très courtoise à son contradicteur.
Je cite de mémoire : « J’ai beaucoup de respect pour votre action et votre pensée ; je vous rejoins parfois ;
nous allons dialoguer à un certain niveau. » Tout cela accompagné de regards par en-dessous, doucereux.
Mélenchon – ce qui m’étonna car Attali est coutumier du fait – ne flaira pas le coup de poignard dans le dos
que l’ancien conseiller de Mitterrand prépara pendant vingt minutes. À la fin d’un échange sans concessions
mais correct, Attali quitta la table du débat sur un « Vous allez faire de la France la Corée du Nord ».
Attali affectionne cette image grossière. Outre qu’elle révèle à quel point il est un bien petit homme (je n’aurai pas
la cruauté de rappeler les accusations de plagiat portées à son encontre), elle montre qu’il fait preuve
en l’occurrence de la plus parfaite hypocrisie.
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