Aveux de Cahuzac :
« L’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes »
Dans l’édito de l’Humanité de ce mercredi,
Patrick Apel-Muller rappelle à propos des aveux
de Jérôme Cahuzac, concernant ses comptes
cachés en Suisse et à Singapour, le mot de
Paul Vaillant-Couturier :
« Quand on est de gauche, il faut sans trêve aller
« débusquer de son repaire cette pièce de cent
sous tapie, comme le disait Balzac, au fond
des consciences ».
Les flammes de la justice léchaient déjà ses pieds;
Jérôme Cahuzac
a préféré avouer après des mois
de mensonges la main sur le cœur.
Le scandale politique est énorme.
L’homme qui tenait entre ses mains le budget
de la France, qui pilotait l’administration fiscale
et traquait les fraudeurs était lui-même un malfaiteur, auteur depuis plus de vingt ans d’évasions de capitaux
et de dissimulation de ressources. Il ne s’agissait pas d’une paille… Le reliquat du compte à Singapour compte
encore 600 000 euros !
C’était lui pourtant le sévère censeur des dépenses publiques, l’amateur de rigueur
et
d’austérité quand elles touchent le menu peuple, l’apôtre du pacte Sarkozy-Merkel, à peine était-il emballé
d’une faveur rose. On se souvient de lui docte et péremptoire faisant la leçon à Jean-Luc Mélenchon
lors d’un débat télévisé. À s’en souvenir remonte irrépressiblement une mise en garde de Jaurès :
«Ne vous guindez pas trop sur des échasses de vertu ! L’équilibre est instable et les chutes douloureuses.»
Celui que déjà les courtisans au Parti socialiste désignaient comme « le meilleur d’entre nous », aura donc
menti à ses collègues du gouvernement,
au président de la République et, plus grave encore,
à la représentation nationale.
La faute est bien entendu personnelle, mais faut-il, quand même, s’être bien éloigné de la dénonciation
par François Mitterrand –
il est vrai il y a plus de quarante ans, lors du congrès d’Épinay –
de «l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, et l’argent qui pourrit
jusqu’à la conscience
des hommes» !
La faute reste personnelle, mais ce brillant chirurgien qui avait conquis à la hussarde Villeneuve-sur-Lot
n’a-t-il pas jugé bien mince la transgression puisque autour de lui le profit était sanctifié et les marchés
financiers portés au pinacle ?
Ne se trouvait-il pas encore hier un porte-parole du groupe socialiste à l’assemblée pour rendre
un hommage appuyé à la présidente du Medef pour son rôle dans l’élaboration du projet qui vise
à dynamiter le code du travail ? Quand on est de gauche, il faut sans trêve aller « débusquer de son repaire
cette pièce de cent sous tapie, comme le disait Balzac, au fond des consciences »
(Paul Vaillant-Couturier).
Déjà, on entend monter la marée brune
du « tous pourri ». Le Front national se frotte
les mains, quand bien
même celles de ses dirigeants, parmi les principaux, portent encore les traces des pots
de confiture
dans lesquelles elles ont plongé. Trop
de ceux qui peinent à joindre les deux bouts, qui doivent choisir entre
le plein d’essence et celui du frigo,
qui se désespèrent de voir encore l’horizon de la retraite s’éloigner, seront
tentés de se tourner vers ceux qui prospèrent sur le désarroi. Mais ce qui est pourri
au royaume
de France, c’est une politique impitoyable pour les pauvres et douce pour les puissants,
ce sont les financiers aux manières de rois et les fronts prosternés devant eux, ceux des politiciens
d’extrême droite notamment. Il convient au contraire de raviver
les couleurs de la République, de donner
la primauté
aux citoyens et de prendre pour guide l’intérêt général. Face à ce scandale d’État, la justice doit
aller à son terme. Le débat public aussi.
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