DETTES
Comment les Espagnols meurent à crédit pour leurs banques
Par Nathalie Pédestarres (12 mars 2013)
manifestation du 16 février
Depuis 2008, plus de 362 000 foyers espagnols
ont été victimes de saisies immobilières,
entraînant dans plusieurs cas des suicides…
Le gouvernement, en connivence avec les banques,
refuse de modifier une loi sur les hypothèques
obsolète et inhumaine. Celle-ci permet au créancier,
les banques, de gagner sur tous les tableaux et de s’enrichir sur la misère.
Les mouvements citoyens s’organisent pour freiner les expulsions et changer la loi.
Pendant que le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, lisait son discours sur l’état de la Nation,
le 20 février dernier, une femme s’immolait par le feu dans une succursale bancaire de Castelló
(région de Valence). Brûlée à 50%, elle serait une victime de plus des cas des saisies immobilières
qui se multiplient dans le pays : 362 776 saisies depuis 2008, d’après une étude de la Plateforme
des victimes de crédits hypothécaires (PAH), une association citoyenne. L’issue est parfois fatale…
Depuis l’été dernier, une quinzaine de personnes se sont défenestrées le jour où elles allaient être
expulsées de leur domicile.
Pas un mot, pourtant, du chef du gouvernement sur ce sujet dans son discours. Sauf lorsque
les députés de la gauche plurielle (minoritaires) ont insisté sur la nécessité de réformer la loi
sur les hypothèques, l’une des plus drastiques et obsolètes – elle date de 1909 – d’Europe. En Espagne,
toute personne se retrouvant en défaut de rembourser son crédit immobilier, perd non seulement
sa maison mais est condamnée à rembourser le reste du prêt concédé par la banque, prêt qui ne fait
qu’augmenter avec les taux d’intérêt variables et les pénalités pour retard de paiement.
Business et spéculation sur la misère
Petit exemple pratique pour bien comprendre le « jeu de bonneteau » des banques avec les crédits
hypothécaires… Une famille souscrit un prêt immobilier pour acheter une maison, mais se retrouve en défaut
de paiement quelques années plus tard. Si aucun accord de refinancement de la dette n’est atteint
avec la banque, la propriété est saisie et mise en vente par adjudication judiciaire. La loi espagnole autorise
les banques à participer à ces enchères et à racheter les propriétés à un minimum de 60% de leur valeur
initiale si elles sont les seules à enchérir. Mais elles ont trouvé une parade pour contourner la loi à leur profit :
elles ont créé leurs propres sociétés immobilières qui interviennent aussi dans les enchères comme « tiers »
et qui peuvent donc racheter les propriétés à un pourcentage encore plus bas de leur valeur initiale.
Tout reste donc dans le patrimoine de la banque ! Résumons : dans le « meilleur » des cas, la banque réussit
non seulement à se faire rembourser le prêt majoré des pénalités de retard, mais elle dégagera aussi
un bénéfice avec la revente de la propriété.
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