Ce vendredi dans l’Humanité :
la pente résistible du social-libéralisme
Lionel Venturini
« Tournant » ou pas « tournant » ?
Depuis six mois, le gouvernement semble
engager une « révolution copernicienne »
qui tourne le dos à une réelle politique de gauche.
Un cap social-libéral qui s’aggrave avec le temps,
trouvant son origine dans les contradictions
du programme de François Hollande.
Pour le politologue Rémi Lefebvre :
« La radicalisation à gauche du pouvoir se fera
par réalisme, pas par idéologie ».
Huit mois après son accession au pouvoir, y a-t-il
chez François Hollande un hollandisme qui
lui serait
propre, ou la définition de sa politique doit-elle
emprunter d’autres références ?
Rémi Lefebvre. S’il y a un hollandisme, c’est un pragmatisme, il n’est pas un idéologue – il n’a d’ailleurs
pas de texte fondateur, alors qu’il a été à la tête du PS durant plus de dix ans. Il y a chez lui une forme
de syncrétisme,
de synthèse d’éléments disparates qui empruntent tout autant
à Chevènement
qu’à la deuxième gauche, voire à la première, doublé d’un côté radical-socialiste,
et incontestablement
social-libéral sur le plan économique. Son obsession du point d’équilibre choque beaucoup à gauche car,
en huit mois, il n’y a eu aucune réelle rupture, seulement
des inflexions sur le plan économique de prime
abord.
Or la tradition d’un gouvernement de gauche au pouvoir, c’est
de marquer des ruptures.
Même sur le sociétal, le mariage
pour tous n’est pas sa conviction selon vous ?
Rémi Lefebvre. Je crois qu’il n’a pas
d’idées très arrêtées sur un certain nombre de sujets, mais qu’il cherche
à apaiser la société,
en vraie rupture, là, avec le mandat d’hystérisation de la société
qui fut celui de Sarkozy.
Il a
une approche non idéologique
des questions, veut passer des réformes dans une espèce d’harmonie.
Avec le risque
de déplaire à tout le monde ;
on le voit quand il entend rester
au milieu du gué concernant
la procréation médicalement assistée (PMA). Hollande incarne en somme une gauche complexée, on l’a vu
à propos de Depardieu par exemple, face à une droite décomplexée. Il est pris entre des injonctions contradictoires,
alors que, sur ces thèmes, il n’a aucune excuse pour ne pas agir, contrairement aux questions sociales
où la crise, le critère
des 3 % de déficit, permet
une rhétorique des contraintes.
Comparé au programme sur lequel il a été élu, assiste-t-on à différents reculs ?
Rémi Lefebvre. Sans doute le pacte de compétitivité et la thématique du coût du travail, absolument pas inscrits
à son programme, marqueront-ils un vrai tournant
du mandat. Tournant qui correspond à ses aspirations profondes :
dès la fin des années 1980, quand il enseignait à Sciences-Po avec Pierre Moscovici, c’était un social-libéral assumé.
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