Le « Pacte des Loups »
Posté par communistefeigniesunblogfr le 12 novembre 2012
France : Le “Pacte avec les Loupsˮ
Par Pedro da Nóbrega
Il est des images qui valent parfois bien des analyses : celle de voir en première ligne
la patronne des patrons français, Laurence Parisot herself, rendre un hommage appuyé
aux dernières décisions annoncées par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault
dans le cadre de ce qu’il a souhaité aimablement intituler « pacte de compétitivité »
pour, semble-t-il, atténuer le « choc traumatique ».
Au vu de ce satisfecit du patronat, vite passé
des effarouchements de pigeons philanthropiques
aux « dents de la mer » des requins du capital
avec l’ultimatum des 98 grands patrons du CAC40,
pas sûr que les travailleurs de France lui sachent
gré de ses précautions oratoires au regard
du contenu de ce « Pacte ».
Car bien évidemment, si la cheftaine Parisot se félicitait de voir le gouvernement prendre enfin en compte
les analyses patronales sur le supposé déficit de compétitivité dû, bien sûr, à un « coût du travail » qui serait
trop élevé en France, c’est bien que le contenu de ce pacte vise d’abord à répondre aux exigences patronales
plus qu’à réellement prendre la mesure des attentes sociales pourtant fortes en ces temps de licenciements
massifs et de précarisation accrue.
On pourrait à cet égard rappeler benoîtement à Monsieur Ayrault le propos sans ambiguïté de Paul Krugman,
prix Nobel d’économie, « contre la “dangereuse obsession” de compétitivité de l’Union européenne » car
« la compétitivité est un mot vide de sens lorsqu’il est appliqué aux économies nationales ». Mais aussi insister
sur le fait que c’est le travail qui crée de la richesse et donc que les salaires et les cotisations sociales ne constituent
pas des coûts mais la rémunération d’une ressource qui est à la base de la création de valeur.
Donc pourquoi continuer à évoquer, contre toute évidence, le « coût du travail » ?
Certainement pour mieux masquer une évidence que s’acharnent à masquer tous les « chiens de garde » experts
du barnum médiatique, à savoir que ce qui coûte effectivement très cher, c’est la rémunération du Capital. En effet,
les revenus nets distribués représentent aujourd’hui 9 % de la valeur ajoutée des sociétés non financières, niveau
historique record depuis la Seconde Guerre mondiale, contre 5,6% en 1999. En trente ans, la masse salariale
des entreprises a été multipliée par 3,6 alors que la somme des dividendes versés aux actionnaires a été multipliée
par 20. Le rapport de la Commission Européenne sur « L’emploi en Europe » (2007) indiquait déjà que la part
des revenus du travail dans le PIB a chuté de 10 points depuis 1981, ce qui correspond environ à 100 Milliards d’euros
par an ! Ces chiffres permettent de mieux mesurer l’arnaque du discours patronal visant à rendre le niveau
des rémunérations du travail, cotisations sociales inclues, responsable de la baisse des investissements.
Céder au diktat patronal exigeant un transfert massif
des cotisations sociales vers les ménages et les salariés,
par le biais de la TVA et de la CSG, c’est refuser de s’attaquer
à ce « pouvoir de la finance », que pourfendait pourtant
avec ardeur le candidat Hollande lors de son discours
du Bourget, pour qui l’essentiel reste de préserver à un niveau
toujours plus élevé la rémunération des actionnaires.
D’ailleurs, en 2011, selon l’INSEE, les dividendes distribués
aux actionnaires des sociétés non financières
plus les intérêts versés aux banques totalisaient
309 milliards d’euros, alors que les cotisations sociales ne coûtaient que 145 milliards d’euros ! Et pour ce qui est
du bilan des exonérations actuelles de cotisations sociales et leurs incidences sur l’emploi, voilà ce qu’en disait
la Cour des Comptes en 2009 :
« La Cour avait relevé que les nombreux dispositifs d’allègement des charges sociales
étaient insuffisamment évalués en dépit de la charge financière croissante
qu’ils représentaient pour les finances publiques (27,8 milliards d’euros en 2007,
soit 1,5 % du PIB). S’agissant des allègements généraux sur les bas salaires,
leur efficacité sur l’emploi était trop incertaine pour ne pas amener à reconsidérer
leur ampleur, voire leur pérennité. »
Sans parler de la mesure jamais réalisée des incidences sur l’emploi des 170 milliards d’euros d’aides publiques
diverses versées aux entreprises.
Mais c’est pourtant bien là que réside la première cause réelle de la baisse des investissements, dans cette volonté
inébranlable de garantir au capital le plus haut niveau de rémunération, quel qu’en soit le coût social comme aussi
dans sa vision à court terme.
Auteur dessin : Xavier Delucq
Merci à Tlaxcala
Date de parution de l’article original: 10/11/2012
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=8541
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