Subir les mots du capitalisme financier

Posté par communistefeigniesunblogfr le 28 octobre 2012

 

Subir les mots du capitalisme financier  dans IDEES - DEBATS - PHILO 258746-324521Par Bernard Gensane

Comme disait Umberto Eco, les humains ont inventé le langage

pour dire ce qui n’est pas là. Quand je susurre au téléphone à

quelqu’un : « je pense à toi », le seul mot qui renvoie à une réalité

vraie, c’est « je ». En effet, rien ne dit qu’à ce moment précis

je « pense », ni que je pense à « toi ». À partir de là, tout est

possible : un arriviste raciste allemand peut se qualifier de socialiste

alors qu’il est le pantin des banques et des grands conglomérats

de son pays. Un général très étoilé peut montrer au monde entier

une capsule de « poison mortel » alors qu’il tient dans la main

de la poudre de perlimpinpin. Et puis un surdoué de l’écriture peut aussi nous raconter l’histoire

d’un pauvre type qui « dort » dans un « val ».

Le langage se nourrit d’expressions toute faites, d’expressions qui figent ou orientent la pensée et font

des locuteurs des handicapés conceptuels : « forces vives », « opinion publique », « insécurité »,

« fracture sociale ». Boudieu disait qu’elles étaient « sémantiquement à peu près indéterminées,

banalisées et polies par l’usure d’un long usage automatique, qui fonctionne comme des formules magiques. »

En 2009, une équipe d’universitaires a mis au point un Lexique Usuel Critique de l’Idéologie Dominante

Économique et Sociale pour l’Institut d’histoire sociale de la CGT dans lequel elle analysait les mots et

expressions forgés ou détournés par les idéologues et les politiques au service de la finance et des entreprises

multinationales. Je reprends ici quelques exemples de mots qui nomment les maux.

Il faut s’« adapter ». C’est en 1964 que l’économiste François Perroux a élargi l’emploi de ce terme aux différentes

composantes de l’activité économique qui ne fonctionnent bien que dans « l’adéquation aux besoins de tout en

constante évolution. » Certains syndicats, comme la CFDT, se sont adaptés à cette adaptation : « le monde change,

changeons le syndicalisme », proclamait la grande centrale. Tandis que ceux qui persistaient à expliquer l’histoire

de l’humanité par le biais de la lutte des classes devenaient des dinosaures qui disparaîtraient au profit de ceux

qui acceptaient le capitalisme, la flexibilité (et sa forme plus douce, plus scandinave de « flexicurité ») etc.

Ces dinosaures étaient bien sûr « archaïques ». La compromission de Bad-Godesberg de 1959 leur faisait horreur

parce qu’ils s’accrochaient à des concepts tabous comme les classes sociales ou l’exploitation.

En serviteurs zélés du patronat français, les idiots utiles réclament jusqu’à plus soif la disparition des « charges »

sociales (feignant en fait d’oublier qu’il s’agit de « cotisations », donc de salaire différé). Ce qui « charge »

(du bas latin caricare) est un fardeau. Accoler l’adjectif « social » à ce mot, c’est évidemment remettre en cause

la sécurité du même nom. Mais comme cela fait exactement trente ans que les responsables patronaux expliquent

que les entreprises sont « exsangues », il est impératif que les charges baissent toujours plus.

Pour faire admettre cette aberration, il faut « communiquer ». La différence entre la communication et l’information

est simple : lorsque j’informe, je m’adresse à toi, pour toi ; lorsque je communique, je m’adresse à moi, ma parole

ne renvoie qu’à moi. Prosaïquement, faire de la com’, c’est déverser sa propagande, mieux, faire de la « pédagogie ».

Disons : mentir. Autre détournement scandaleux car dans « pédagogie » il y a pais, enfant. Ce qui revient à dire

que l’on prend le receveur de l’acte de parole pour un enfant.

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