Christophe Bonneuil : « On voit se dessiner les contours du projet néolibéral pour financiariser la gestion de l’ensemble de la biosphère et l’atmosphère… Et il y a de bonnes raisons de s’y opposer ! »
Posté par communistefeigniesunblogfr le 21 juin 2012
Économie verte
Comment s’enrichir en prétendant sauver la planète
Par Sophie Chapelle
La planète, nouvel objet à but lucratif ?
Demain, des ONG pourront acheter des quotas de baleines pour les protéger.
Les parcs naturels pourront être évalués par des agences de notation.
Les performances des forêts en matière de recyclage du carbone seront
quantifiées. Des produits financiers dérivés vous assureront contre l’extinction
d’une espèce.
« Nous sommes en train d’étendre aux processus vitaux de la planète les mêmes
logiques de financiarisation qui ont causé la crise financière », dénonce
le chercheur Christophe Bonneuil, à la veille de la conférence Rio+20.
Entretien.
Basta ! : Cela fait vingt ans, depuis le sommet de la Terre à Rio en 1992, que l’on se préoccupe
davantage de la biodiversité. Quel bilan tirez-vous de ces deux décennies ?
Christophe Bonneuil [1] : Ce qui a été mis en place en 1992 n’a pas permis de ralentir la sixième extinction actuellement
en cours [2]. Le taux de disparition des espèces est mille fois supérieur à la normale ! Cette érosion de la biodiversité est
essentiellement due à la destruction des habitats naturels, à la déforestation, aux changements d’usage des sols.
La Convention sur la diversité biologique (CDB) adoptée à Rio il y a vingt ans se souciait certes de la biodiversité, mais
son premier article indique clairement que la meilleure façon de la conserver suppose le partage des ressources liées à son
exploitation. Il s’agit donc de conserver la biodiversité par la mise en marché de ses éléments, à savoir les « ressources
génétiques ».
La CDB entérine dès cette époque la notion de brevets sur le vivant. Les textes préfigurent déjà un modèle marchand qui pense
que l’on ne conserve bien que ce qui est approprié, breveté et marchandisé. Tout en mettant en avant qu’une partie de ces profits
seront redistribués par un mécanisme de partage des avantages vers les communautés locales. Mais il a fallu plus de quinze ans
pour qu’il y ait un accord sur ce mécanisme, lors de la conférence des parties sur la biodiversité à Nagoya en 2010. Il semble
que les firmes n’étaient pas pressées d’avoir un mécanisme qui contrôle le retour des royalties vers les populations locales.
Les États se sont-ils donné les moyens de préserver la biodiversité ?
Il n’existe pas de fonds mondial que chaque État ou une taxe mondiale sur les biotechnologies auraient pu abonder. Les États
ont misé exclusivement sur la bioprospection [3] des firmes pharmaceutiques. Un des contrats les plus médiatisés a été celui
qui liait la multinationale allemande Merck à INBio, l’Institut national de la biodiversité au Costa Rica. Inbio devait fournir à Merck
les substances chimiques extraites des plantes et les insectes prélevés au Costa Rica. En contrepartie, Merck versait 500 000
dollars par an, ce qui permettait à INBio d’avoir des ressources pour financer ses actions de conservation. Cet accord a fait
énormément de bruit mais il n’a pas été suivi par beaucoup d’autres initiatives de ce type. Les grandes entreprises comptent
davantage sur les énormes banques de molécules dont elles disposent, pour innover en laboratoire. Le paradigme de Rio 92,
de conservation de la biodiversité par la bioprospection et la biotechnologie, créant un nouveau marché des ressources biologiques
tout en rémunérant les communautés locales pauvres a fait la preuve de ses limites.
Concrètement, comment se déroule cette privatisation de la protection de l’environnement ?
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