En décembre 2011, la Banque centrale européenne (BCE) a déversé une manne financière exceptionnelle
dans le circuit bancaire, au motif d’éviter une nouvelle crise. Les banques privées de la zone euro ont
ainsi empoché plus de 1 000 milliards d’euros de prêts, à un taux historiquement bas de 1 %.
Que sont devenues ces liquidités ? Par Thierry Brun sur politis.fr.
Le capitalisme financier regorge d’idées pour tirer profit de
la dette publique des États européens.
Le système bancaire européen peut remercier l’un de ses éminents
représentants, Mario Draghi, président de la Banque centrale européen
(BCE) et ancien de Goldman Sachs, banque qui s’est fait une spécialité
de spéculer sur la dette des pays en difficulté. Car le système bancaire
européen a bénéficié, fin décembre 2011 et fin février de
1 018 milliards d’euros de prêts à trois ans de la BCE,
à un taux historiquement bas de 1 %, ce qui a mis en appétit les marchés financiers.
Mardi 17 avril, l’Espagne est en effet parvenue à emprunter avec succès plus de 3 milliards d’euros,
soit plus qu’escompté. Mais à quel prix ? Les taux d’intérêt exigés par les marchés financiers sont en nette hausse. Par
exemple, le rendement moyen de l’emprunt à 18 mois a atteint 3,1 % contre 1,7 % précédemment. Cela signifie que l’Espagne
alourdit au fil des mois la charge de sa dette publique, laquelle devrait s’envoler cette année, grimpant de 68,5 % du PIB à la fin
de l’année 2011 à 79,8 % à la fin de l’année 2012, selon les prévisions du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.
Pour tenter de réduire les déficits dès cette année, le même gouvernement cherche à récupérer 27,3 milliards d’euros. Il s’agit
de ramener le déficit public à 5,3 % du PIB cette année puis à 3 % en 2013, après 8,51 % en 2011.
Résultat : le pays est frappé par un chômage record et a renoué avec la récession au premier trimestre, selon la Banque
d’Espagne.
Après une faible croissance, de 0,7 %, en 2011, le gouvernement a prévu un recul du 1,7 % du PIB sur l’ensemble de 2012.
Selon ses prévisions, le taux de chômage devrait bondir jusqu’à 24,3 % à la fin 2012.
Ainsi, les seules sommes qui seront engouffrées cette année dans les intérêts de la dette, soit 28,8 milliards d’euros, ou encore
dans le montant des indemnités chômage (28,5 milliards) sont équivalentes aux économies promises par l’Espagne. Difficile dans
ces conditions de redresser la barre de l’économie. Depuis quelques mois, les objectifs gouvernementaux ont donc été jugés peu
réalistes par les marchés qui ont fait de la dette espagnole un produit spéculatif, certes à risque.
Pour les marchés, la France est logée à la même enseigne : la dette publique française augmente
toujours. Le 5 avril, le taux d’intérêt des emprunts d’État (OAT à dix ans) a grimpé à 3,05 %, et ces derniers jours, il était encore à
plus de 3 %.
Conséquence, la prévision du montant des intérêts des emprunts doit être revue à la hausse par le ministère du Budget. Une hausse
non négligeable : la première estimation était fixée à 45 milliards d’intérêts à acquitter pour l’année 2011. Aujourd’hui, les experts
tablent sur 49 milliards.
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