Source : TLAXCALA – 26 juin 2011 – Auteur : Willy Meyer ¹
URL de cet article : http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=5214 / URL article original : http://blogs.publico.es/dominiopublico/3585/golpe-de-estado-silencioso/
Europe : Coup d’État silencieux à Bruxelles
Le 19 juin 2010, un jour après que le Conseil européen eut adopté le paquet sur la gouvernance économique européenne, le président de la Commission, José Manuel Durão Barroso, lors d’une conférence à l’Université Européenne de Florence a qualifié de « révolution silencieuse et graduelle » les mesures de contrôle et de discipline économique et financière imposées aux États membres. « Quelquefois en Europe les petits pas sont les plus importants. Lisez attentivement les conclusions du Conseil européen d’hier, s’il vous plaît. Il s’agit d’une révolution silencieuse, d’une révolution silencieuse qui cherche de façon graduelle une gouvernance économique plus forte. Les États membres ont accepté – et je suppose qu’ils l’ont compris correctement – de donner des pouvoirs très importants aux institutions européennes quant à la surveillance [économique] et un contrôle beaucoup plus strict des finances publiques. Cela est arrivé hier. Ils ont accepté le principe, bien sûr. Maintenant c’est à nous de légiférer. », a dit Barroso.
Le président de la Commission faisait référence au développement du Semestre Européen,
c’est-à-dire le programme de surveillance budgétaire nationale qui oblige les États
à présenter leurs programmes économiques, y compris les lignes générales de leurs
comptes, à la Commission et au Conseil avant de les soumettre à leurs parlements
respectifs pour discussion.
La machinerie néolibérale européenne, impulsée par les populaires, les sociaux-démocrates et les libéraux, a concocté
trois pactes : 1) le Pacte de stabilité et de croissance, 2) le Pacte de réforme structurelle et 3) le Pacte de l’euro,
que la Commission et le Conseil veulent imposer aux citoyens européens représentés par les parlements nationaux.
Contrairement à ce que prétend Durão Barroso, le caractère obligatoire de ces mesures est un véritable coup d’État
silencieux contre les souverainetés nationales, par le biais de la présentation préalable
des « Programmes nationaux de réforme », qui sont le déploiement de la Stratégie Europe 2020, laquelle à son tour
est la continuation de la Stratégie de Lisbonne (qui prévoyait une croissance annuelle du 3% et la création de
20 millions de nouveaux emplois en janvier 2010) qui a été un échec.
Depuis Bruxelles, ce coup d’État cherche à démanteler l’État social européen et à uniformiser les critères
pour attaquer les salaires (flexibilisation de la main-d’œuvre, destruction de la négociation collective),
réduire radicalement les effectifs et les salaires de la fonction publique,
retarder l’âge de la retraite, privatiser le système de retraites
et parachever le processus de démantèlement progressif des services publics.
La gouvernance économique européenne (la concrétisation des trois pactes) est contraire à un véritable
gouvernement démocratique de l’économie, indispensable au redressement de la construction européenne
pour atteindre la cohésion sociale et territoriale et le bien-être des gens.
Ce n’est pas par hasard qu’on rejette la nécessité d’avancer dans le gouvernement démocratique de l’économie
européenne, car cela impliquerait la mise au point d’une architecture politique complétement différente
et la définition d’une orientation économique conçue par et pour les citoyens européens sur la base du contrôle
exclusif des souverainetés nationales et européenne.
La structure actuelle de la politique européenne invite de plus en plus les citoyens à se distancer des institutions,
car ils perçoivent que la détérioration de leurs conditions de vie est due à cette pluie acide favorisée
par le Consensus de Bruxelles (une réplique du Consensus de Washington, basé sur les principes de la privatisation,
la dérégulation de la main-d’œuvre et la non-intervention publique dans l’économie).
Le Consensus de Bruxelles s’occupe exclusivement de garantir la libre circulation de marchandises
et l’accumulation de grands capitaux et grandes fortunes
en attaquant les salaires et le bien-être des Européens.
D’un côté la main de fer qui cherche à imposer ces ajustements provoque la réaction syndicale européenne
avec des grèves générales et devient une invitation à coordonner des actions paneuropéennes, tel que l’indique
le Manifeste d’Athènes de la Confédération des syndicats européens ; de l’autre côté elle provoque l’indignation
et la rébellion de ceux qui ne se résignent pas à assister à cette marche arrière de l’horloge de l’histoire.
L’européisme militant doit exiger de soumettre à un référendum paneuropéen toutes ces réformes et mesures
d’ajustement qui envahissent les souverainetés nationales, pour que ce soit le peuple européen qui approuve
ou désapprouve cette dérive antisociale et par conséquent antieuropéenne.
Le peuple islandais a décidé par référendum qu’il ne doit pas payer les pots cassés des irresponsabilités
et des erreurs de ses banques et a mis en examen l’ex- Premier ministre conservateur Geir H. Haarde,
accusé de négligence face à la crise qui a conduit l’Islande à la faillite.
Quand la démocratie l’emporte et les peuples disent leur opinion, les choses peuvent être remises à leur place.
Face au coup d’État silencieux contre les acquis sociaux européens un référendum devient indispensable.
Copyleft
¹ Willy Meyer a été élu député européen en 2004 et réélu en 2009, en étant tête de liste de « Izquierda Unida » (coalition politique espagnole de gauche formée en 1986 par différents partis, dont le plus important est le PCE.)