« Désobéissons à l’Union européenne » (Aurélien Bernier)
Posté par communistefeigniesunblogfr le 31 mai 2011
Lu sur : PCF-Grésivaudan - 31 mai 2011
La désobéissance européenne doit être le grand sujet politique de 2012
Texte d’Aurélien Bernier, porte parole du Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP),
publié dans l’Humanité Dimanche du 19 au 25 mai 2011.
Tous les partis et mouvements de la gauche radicale s’accordent pour dénoncer l’ultralibéralisme
de l’Union européenne. La critique n’est pas nouvelle. François Denord et Antoine Schwartz ont
décrit dans L’Europe sociale n’aura pas lieu la vraie nature de la construction européenne [1].
Après guerre, les intérêts des États-Unis, qui veulent faire barrage au communisme et promouvoir
le libre-échange, croisent ceux du grand patronat européen, qui cherche à se reconstruire.
Leur stratégie, c’est « l’Europe », dont les fondements libéraux ne datent pas des années 1980, mais du traité de Rome.
Après la période de compromis des Trente glorieuses, où les puissances économiques concèdent aux peuples
des avancées sociales par peur de la « tentation communiste », l’effritement puis l’effondrement du bloc de l’Est permet
d’appliquer enfin le projet européen d’origine. Margaret Thatcher elle-même estime dans ses mémoires que l’Acte unique
de 1986-87 « donne une substance réelle au traité de Rome » et « ravive sa finalité libérale, libre-échangiste et dérégulatrice ».
Pour garantir qu’aucun État ne déviera de cette trajectoire,
l’Union européenne utilise un outil imparable : le droit.
Là aussi, la démonstration est connue. Dans les colonnes
du Monde diplomatique, notamment, Bernard Cassen et
Anne-Cécile Robert ont prouvé que l’ordre juridique
européen est parfaitement verrouillé. Depuis le milieu
des années 1960, la supériorité du droit communautaire
sur le droit national, qui ne fut jamais explicitement prévue
dans les traités, est affirmée par la Cour de justice des
communautés européennes. Les juges décidèrent que les
traités, les règlements et les directives devaient primer sur
le droit national. Seule la Constitution nationale conservant
une valeur supérieure à celle du droit européen, les dirigeants
français la réforment en 2008 pour la rendre compatible
avec le traité de Lisbonne ! La conclusion est claire et nette :
toute politique de gauche est impossible au regard
du droit européen.
Développer un « pôle public bancaire », comme le propose à juste titre le Front de gauche, contredit une
directive européenne, la directive « services ». Et donc, aucune loi ne peut être votée en ce sens sans être
déclarée inconstitutionnelle ! Il en va de même pour la renationalisation de producteurs d’énergie comme
Gaz de France, pour la taxation des transactions financières ou pour une fiscalité environnementale qui
remettrait en cause la libre-concurrence.
Le problème de la gauche est donc qu’elle s’apprête à aller aux élections avec un programme
inapplicable, dont chaque mesure, si elle parvenait au pouvoir, serait censurée par le Conseil
constitutionnel…
À moins qu’elle ne revendique, dès la première page de son manifeste,
la désobéissance européenne.
Comprenons bien que cette désobéissance européenne n’est ni une formule
de style ni un mouvement d’humeur. Elle est l’aboutissement d’un
raisonnement imparable : puisque la Constitution française fait allégeance au Traité de Lisbonne,
ce qui empêche juridiquement toute politique de gauche, il faut la réformer pour restaurer la
primauté du droit national sur le droit communautaire.
Seul ce renversement de la hiérarchie des normes juridiques permettra à une gauche radicale de voter des lois pour
mener des politiques différentes de la droite et des socio-libéraux. Pourtant, la désobéissance européenne est
toujours absente des débats.
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