Précarité : « A l’oeil nu ça se devine, ces choses-là… »
Posté par communistefeigniesunblogfr le 3 mai 2011
Source : Refais Le Monde Avant Qu’Il Ne Te Refasse – 30 avril 2011 – Philippe Sage
Entrée Dans La Précarité
Ce qui marque, durement, ce sont les visages. Cette fatigue, et tant d’autres choses, comme le poids, celui du temps qui passe et passe,
et rien qui vient… Je me demande s’il en est de même pour moi. Je veux dire : est-ce qu’elle est pareille qu’eux, ma gueule ; aussi ravagée.
Au bout de dix-huit mois… Comment savoir ?… Je la connais ma sale tronche, je me la fade tous les jours…
Je pourrais, je crois, décrire le parcours de ceux qui m’entourent. A l’œil nu, ça se devine,
ces choses-là. Comme cette femme d’un âge certain, juste devant moi, par exemple. Ça se voit
comme le nez au milieu de la figure. C’est – c’était, plutôt – une professionnelle. De l’édition…
Qu’est-ce qu’elle fout ici ? Dans cette sélection…
J’en vois deux ou trois autres qu’ont le même profil ou approchant… Ce qui les unit et les trahit
ce sont leurs regards. Y’a de la résignation. Entre autres… Sinon, un peu de tout : jeunes, moins
jeunes, égarés, silencieux, anxieux ; la routine, quoi. En face de nous, un trio. Un tableau. Et
des marqueurs de toutes les couleurs. On s’enquiert du fait de savoir si tout le monde est là.
Apparemment, il manque quelqu’un… Il ne viendra pas. Tant pis… L’exposé commence.
Ce qui est assez désagréable, pour dire franchement les choses, c’est le ton sur lequel
on s’adresse à nous. Oh, il n’est pas méprisant, non, du tout même, mais pourquoi nous parler comme si nous étions alités, malades
ou je-ne-sais-quoi ?
C’est peut-être nos gueules, me dis-je, cette lassitude qui se lit, trop bien.
Bref…
On nous explique en quoi ça consiste, ce « travail ». On nous le vend. Puis, on nous demande s’il y a des questions.
Il y en a.
- Est-il possible de faire plus de 20 heures par semaine ?
La réponse est non… Les visages se ferment. Déjà qu’ils n’étaient pas brillants…
La femme, celle qu’a dû marner dans l’édition pendant des années, elle insiste. Vu le tarif (entre 11 et 13€ de l’heure, et c’est du brut !)
je comprends. Suffit de multiplier par vingt et les comptes sont vite faits. Le quotidien, avec ça, tu l’assures pas. D’autant plus que rien ne
dit que tu les feras, les vingt heures. Vu que c’est un plafond.
C’est typiquement ce qu’on appelle un « job d’appoint ». Mais qui te prend du temps, ça, je peux en témoigner… L’heure, c’est juste un repère.
C’est pour entrer dans les critères. De Pôle Emploi. En vérité, t’es payé au contrat [1]. Et c’est le contrat qui vaut entre 11 et 13€ [2]. Ce qui
signifie que tu peux en décrocher – maximum – 80 au mois (mais ça n’arrive jamais), plus de 800 sur une année. C’est légal, paraît-il…
On a tous accepté. Pas le choix. Quand faut croûter…
[Lire la suite sur : sagephilippe.20minutes-blogs.fr/]
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