Entretien avec Brigitte Font Le Bret, médecin du travail, psychiatre, auprès des salariés de France Télécom
Posté par communistefeigniesunblogfr le 29 avril 2011
28 avril 2011 - Entretien réalisé par YVES HOUSSON
France Télécom.
« Des scénarios d’une violence presque guerrière »
BRIGITTE FONT LE BRET,MÉDECIN DU TRAVAIL, PSYCHIATRE, AUPRÈS DES SALARIÉS DE FRANCE TÉLÉCOM.
Dans la longue liste des suicides de salariés de France Télécom, l’immolation par le feu, mardi,
d’un employé de Bordeaux, revêt un sens particulier.
BRIGITTE FONT LE BRET. Le suicide par immolation par le feu est très rare. Il répond souvent à une volonté de révolte contre l’injustice,
et de visibilité. La modalité du suicide, sur un parking de l’entreprise, c’est vraiment quelque chose de symbolique. Et qui s’adresse à la
direction de France Télécom, pas à la famille. Sinon, il aurait choisi un lieu symbolique de sa famille. Je suis bouleversée. Avoir travaillé
31 ans dans une entreprise, et finir en poussières à 57 ans…Ce n’est pas possible qu’une solution n’ait pu être trouvée pour ce monsieur !
A 57 ans, on n’est pas très loin de l’âge légal de la retraite. J’avais signalé, en son temps, que j’avais énormément peur pour les agents
venant de la fonction publique, se trouvant dans les zones de plus de 50 ans. Avec eux, le temps de la consultation, on tient un
calendrier, on dit, voilà : il reste 6 mois, on barre les jours… Mais vous vous rendez compte, quand il faut encore tenir 2 ou 3 ans ?!
En 2010, des changements ont été annoncés dans le management. Que constatez-vous?
BRIGITTE FONT LE BRET. Il y a des avancées, dans la gestion des dossiers médicaux : on peut plus facilement parler avec la direction
de dossiers qui nous préoccupent. Mais de plus en plus, j’ai de nouveau des personnes anxieuses, qui me disent : « On est en train de
reparler de changements, de petites mobilités ». France Télécom doit vraiment montrer qu’ils vont s’attaquer au coeur du
problème : la rentabilité et les profits. Les actionnaires en demandent toujours plus, ça, ça ne s’est pas arrêté.¹ Que font-ils
pour diminuer le rythme du travail, les objectifs qu’on impose auxsalariés ? Cette immolation a fait écho chez moi : dans mes entretiens,
j’ai de plus en plus de violences exprimées. Au début, c’était : « Je vais rendre des médicaments », « j’ai envie de dormir »…
Maintenant : « S’il le faut, j’achèterai une arme », « avec la voiture, on peut très bien rater un virage »…
Les scénarios sont d’une intensité, d’une violence presque guerrière.
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