« Un cimetière nommé Méditerranée… »
Posté par communistefeigniesunblogfr le 13 avril 2011
Le 6 avril 2011, 250 personnes en provenance de Libye se sont noyées dans le Canal de Sicile. Un accident tragique qui s’ajoute à la longue liste des migrants
morts depuis que l’Europe ferme ses portes aux demandeurs d’asile, devenant ainsi une forteresse inaccessible et cruelle pour tous ceux qui fuient leur pays,
chassés par la peur, la faim, les bombes…
Depuis 1988, ce sont près de 16 000 personnes qui ont trouvé la mort en voulant rejoindre l’Europe.
710 victimes par an. Presque 2 par jour. (source : lepost.fr/)
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Source : TLAXCALA – 8 avril 2011
Auteur : Annamaria Rivera – Texte traduit par : Fausto Giudice
Annamaria Rivera est professeure d’ethnologie et d’anthropologie sociale à l’Université de Bari (Italie). (ndlr)
Une mer de guerre
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Annamaria Rivera | ||
Traduit par Fausto Giudice |
De nouveaux cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants sont venus allonger la longue liste de ceux qui ont fait un immense tombeau de ce Mare Nostrum* qui fut
autrefois une mer permettant à des gens, des coutumes et des cultures de fraterniser, et devenu aujourd’hui une frontière blindée qui sépare et extermine, tuant
ce qui reste de notre humanité.
Les dernières 250 victimes du Canal de Sicile, des Érythréens et des Somaliens – que certains médias s’acharnent, malgré
la dimension de cette tragédie, à qualifier de “clandestins” et d’“extracommunautaires” -, ne sont pas seulement mortes du
fait de la prohibition de l’accès à l’Europe, mais aussi de notre coupable ingérence “humanitaire” en Libye. On a préféré les
bombardements aux corridors réellement humanitaires, on a ignoré cyniquement le devoir de sauver avant tout les êtres
humains et, en premier lieu, les réfugiés, persécutés et pris au piège dans la guerre civile.
D’ores et déjà nous le savons : même ces victimes par excellence, noyées (à cause de retards ou d’impéritie ?) au cours
des opérations de secours des garde-côtes italiens, ne viendront pas solliciter l’empathie qui déclenche le ressort de la
solidarité collective et induit la réflexion sur la folie de guerres “humanitaires” qui tuent des humains. Cela fait longtemps
que notre malheureux pays n’éprouve plus les sentiments qui, il y a juste 20 ans, poussèrent les habitants de Brindisi, ville
de 90 000 habitants, à restaurer, secourir et héberger dans leurs propres maisons 27 000 réfugiés albanais.
Ce sont des eaux plutôt troubles qui ont coulé depuis sous les ponts : la propagande raciste et sécuritaire, le poison liguiste** administré jour après jour à des doses toujours plus
élevées, une politique médiocre qui fait assaut de méchanceté à l’égard des “étrangers” dans la concurrence électoraliste, une Europe unie qui ne sait s’unir que quand il s’agit d’argent
et défense de ses frontières contre l’irruption des Barbares. Si bien que pas même cette dernière tragédie, pas même les images des visages souffrants et terrorisés des rescapés et les
récits de ceux parmi eux qui ont perdu en mer toute leur famille, pas même l’idée des enfants engloutis par les eaux qui auraient du les pousser vers le salut n’entraîneront de
réflexion sur la folie collective dont nous sommes la proie.
[Lire la suite sur : tlaxcala-int.org/]
NdT
*Mare nostrum : expression latine signifiant « notre mer », employée couramment dans la Rome antique pour désigner la Méditerranée, considérée comme la piscine domestique de la Rome impériale, et reprise par Mussolini dans sa rhétorique impériale, dans un discours prononcé à Tripoli en avril 1926 et annonçant sa volonté de “refaire de l’Italie” la puissance contrôlant la Méditerranée.
** Liguiste : de la Ligue du Nord, raciste et allophobe.
Source: http://www.ilmanifesto.it
Date de parution de l’article original: 07/04/2011
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4532
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