23 février 2011 – par Marie Barbier
Dans leur hâte à expulser les Tunisiens arrivés en France ces dernières semaines dans la zone frontalière avec l’Italie, les autorités n’hésitent pas à passer
outre le droit. À Cannes, les policiers sont incités à les arrêter « en priorité ».
L’arrivée dans le sud-est de la France de quelques dizaines de Tunisiens serait-elle en train de faire perdre la tête aux autorités françaises ? Depuis le début du mois, la
préfecture des Alpes-Maritimes a enregistré 113 interpellations de Tunisiens, soit une augmentation « significative ». Les autorités ont donc sorti l’artillerie lourde :
renforts de CRS, augmentation des patrouilles de surveillance, sur les routes, les voies ferroviaires et maritimes, mais aussi consignes discriminatoires et multiplication
des atteintes aux droits.
Ainsi, le commissariat de Cannes a vu affichée sur ses murs, durant tout le week-end, une note dactylographiée incitant à arrêter en priorité les Tunisiens. Elle demande aux
fonctionnaires de la CSP (circonscription de sécurité publique) d’« interpeller les étrangers en situation irrégulière de nationalité tunisienne dans la gare et aux abords samedi
et dimanche ». Dénoncée par le syndicat Unité SGP Police, cette note interne a été retirée dimanche soir, la préfecture précisant que « le renforcement du dispositif de surveillance
et de mise en oeuvre des mesures de reconduite à la frontière s’applique à tous les étrangers en situation irrégulière quelle que soit leur nationalité ».
Sauf que ce sont bien les Tunisiens qui remplissent actuellement les centres de rétention administrative (CRA) du sud-est de la France. Celui de Nice compte à lui seul 21 Tunisiens
pour 38 places. À Nîmes, le CRA, fermé à cause d’une épidémie de gale la semaine dernière, a rouvert vendredi pour 20 Tunisiens. Cinq devaient encore arriver hier.
« Hâtives », d’après les associations présentes dans les CRA, les procédures se font en dehors des cadres légaux : arrestations et rétentions illégales, usage abusif des menottes,
notifications des droits insuffisantes, etc. « Samedi, on a carrément vu la police du CRA saisir le juge des libertés pour prolonger la rétention, témoigne David Rohi, coordonnateur de
la mission éloignement à la Cimade. Normalement, c’est au préfet de le faire, donc la saisine a été jugée irrecevable, ils ont été libérés. »
L’administration est visiblement pressée de les expulser du territoire français. « Ils ne restent que très peu de temps, indique Assane Ndaw, de Forum réfugiés. Deux, trois jours avant
d’être réadmis en Italie ou reconduits en Tunisie. » Jusqu’à présent, aucun n’a demandé l’asile en France. « Ce sont des jeunes hommes qui souhaitent venir travailler ou rejoindre de la
famille, explique David Rohi. Certains sont juste de passage vers d’autres pays européens. »