Renault Maubeuge passe à la caisse
Posté par communistefeigniesunblogfr le 12 février 2011
le 10 Février 2011 - Ghislaine Rivière
Renault Maubeuge passe à la caisse
Concurrence interne, cadences, pression… Les salariés de MCA Maubeuge, filiale de Renault dans le Nord, payent déjà les conséquences des bons résultats du constructeur automobile.
Ils ne vivent plus, ces ouvriers de MCA (Mécanique Construction Automobile) à Maubeuge. Dans cette filiale du groupe Renault, pas le temps d’aller aux toilettes ou de boire une gorgée d’eau sur la chaîne de montage de la Kangoo. Même les délégués syndicaux préfèrent témoigner dans l’anonymat. « Ils m’ont dit d’enlever mes gants pour travailler plus vite, j’ai refusé, ils m’ont alors dit d’en couper le bout. » « Si tu n’as pas la bonne carte syndicale, pas de rallonge de salaire, moi je suis CGT, je gagne 1 400 euros après dix ans de boîte, pareil pour les camarades de SUD. » « Si tu acceptes qu’un accident de travail dont tu es victime ne soit pas déclaré comme tel, on te trouve une place dans un bureau, on te paye le taxi pour venir travailler : tu es un bon élément. Si tu tiens à ce que l’accident de travail soit déclaré, ton poste, quand tu le reprends, n’est pas forcément adapté aux incapacités liées à cet accident, forcément tu n’atteins pas tes objectifs : tu deviens un mauvais élément. »
organisation de prêts internes de personnel
Le site comptait 6 000 salariés dans les années 1970-80. Effectifs de décembre 2009 : 2 178. De décembre 2010 : 2 096. On n’arrête plus la chute. Ni la chaîne. On mange par groupe de deux ou trois et une équipe assure le remplacement. En 2010, certains ont dû bosser le 11 novembre. Du jamais-vu. Le plan de travail 2011 devrait prévoir la production de 150 000 véhicules au lieu de 140 000 en 2010. Si la demande commerciale se confirme, les congés 2011 seront concentrés sur quatre semaines à cheval sur juillet-août. Plus de fermeture à Noël, des ponts qui vont sauter et dix samedis travaillés minimum (on s’attend au double). Après une période de baisse d’activité qui fixait la cadence à 45 véhicules par jour, il va vraisemblablement falloir à nouveau tendre vers les 60. Pour faire face au surcroît d’activité, le groupe Renault organise des prêts internes de personnel. « La direction comptait sur une centaine de gars du site de Douai, une soixantaine ont accepté de venir, malgré la prime de 900 euros par mois. » Quant aux intérimaires : « certains travaillent aussi chez Toyota à Valenciennes, ils disent qu’à MCA, c’est pire ! Au point de ne plus vouloir y venir ! » témoigne un syndicaliste.
Pourtant, dans le Maubeugeois, avec un taux de chômage qui flirte avec le double de la moyenne nationale, travailler n’est plus vécu comme un droit, mais comme une chance. Qui tourne au cauchemar chez MCA, tandis que le groupe Renault affiche un bilan 2010 de plus de 3 milliards de bénéfices. Le plan stratégique 2011-2013, que le constructeur va rendre public aujourd’hui, porte, quant à lui toujours plus hauts les objectifs de véhicules à produire et de marge bénéficiaire à atteindre. De quoi ouvrir encore plus grand la porte au dumping social interne, à toutes les formes de pression et à la dégradation des conditions de travail.
« 5 %, c’est pratiquement les mêmes objectifs de marge que dans le plan 2006, qui avait conduit à des suicides », se souvient un salarié. « Et attends ! ajoute-t-il, quand les chiffres de productivité vont sortir de la future usine de Tanger au Maroc, tu vas voir la pression sur les sites français ! »
un plan de départ pour les salariés usés
Le revenu moyen par ménage dans la Sambre-Avesnois est inférieur à 12 000 euros par an. « Ils savent que les gens ont besoin d’argent. Même l’augmentation des salaires de 5 % que réclame la CGT ne rattraperait pas le retard sur le coût de la vie, la direction propose 1,8 % », s’insurge un ouvrier. Et le travail ne cesse de s’intensifier avec le non-remplacement des départs en retraite.
Le groupe vient par ailleurs de proposer un plan de départ pour les salariés usés. Au moins 150 salariés de MCA doivent entrer, sur la base du volontariat, dans ce dispositif de trois ans de dispense d’activité avant la retraite prévu pour 3 000 salariés en France, avec perte de salaire. Quelqu’un payé 2 500 euros brut aura 1 400 euros net. Mais pourra toujours être appelé à travailler en cas de besoin.
À Maubeuge, il est question de fabriquer des véhicules Mercedes, dans le cadre d’une alliance avec Daimler. « Il faut que les châssis soient les mêmes que ceux de la Kangoo, sinon comment c’est possible sans investir pour adapter la chaîne ? On verra… » En attendant, 150 premiers véhicules électriques sont sortis des chaînes maubeugeoises. L’espionnage industriel dont la marque au losange prétend être victime n’a pas l’air d’émouvoir. « Le moteur électrique a été inventé il y a près d’un siècle ! Alors, qu’y aurait-il de vraiment secret ? La nouvelle Kangoo est restée bâchée pendant des semaines. On nous interdisait les téléphones portables… Mais toutes les infos et les photos étaient déjà publiées dans Auto Plus ! », raille un salarié.
Fin janvier, Annick Mattighello, conseillère régionale (PCF), a rappelé qu’en octobre 2007 la région a alloué à MCA une subvention de 1 million d’euros, sous réserve de la création de 800 CDI sur trois ans. Idem pour la communauté d’agglomération Maubeuge Val de Sambre et pour l’Europe. L’État a apporté 3,2 millions d’euros au titre de l’aménagement du territoire. MCA a ainsi perçu au total 6,2 millions de fonds publics. Aujourd’hui, l’outil de travail vieillit et les effectifs présentent un déficit de 933 par rapport aux objectifs contractualisés. L’élue communiste a demandé que la direction de MCA soit rappelée au respect de la convention, que Renault s’engage sur un projet industriel « à la hauteur », et « qu’en dernier ressort », la région et la communauté d’agglomération exigent le remboursement des subventions.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.