L’Humanité : Entretien avec Bernard Thibault
Posté par communistefeigniesunblogfr le 8 février 2011
7 février 2011 - Entretien réalisé par Olivier Mayer
Syndicat
Bernard Thibault :
« La voix des syndicats porte loin dans la société »
Jeudi et vendredi derniers, la CGT réunissait son comité confédéral national (CCN). Lors de cette première réunion après le conflit sur les retraites, le parlement cégétiste a adopté deux résolutions à l’unanimité. Elles appellent à des actions unitaires tous azimuts et à accélérer l’évolution des structures du syndicat.
Tensions internes, durcissement de la ligne, rumeurs de démission… Depuis le début de l’année, la CGT et son secrétaire général font l’objet d’une attention particulière dans les médias. À la sortie de la réunion du comité confédéral national, Bernard Thibault s’est confié à l’Humanité.
Après les rumeurs sur votre départ, avez-vous ouvert devant le comité confédéral national (CCN) la succession du secrétaire général de la CGT ?
Bernard Thibault. Non, parce qu’il n’y a aucune raison de le faire. Nous avons tenu un congrès, fin 2009, les textes ont été très largement approuvés et la direction confédérale a été élue confortablement. Loin de remettre en question la démarche ou la direction confédérale, le conflit des retraites nous a confortés. Bien que nous n’ayons pas réussi à obliger le président de la République à retirer son texte, nous sommes parvenus à imposer un débat dans le pays et, au bout du compte, les critiques s’adressent au président de la République, pas aux syndicats et à la CGT. Le CCN a adopté ses deux résolutions à l’unanimité : il n’y a pas de tensions au sein de la CGT.
Qu’est-ce qui a bougé dans le conflit des retraites ?
Bernard Thibault. Il a fait la démonstration que, malgré la faible syndicalisation en France, la voix des syndicats portait loin dans la société et qu’il était possible de mobiliser. C’est un élément de confiance. En même temps, lucidement, nous sommes obligés de constater qu’il y a des limites à cette mobilisation qui sont très directement liées à l’implantation syndicale dans les entreprises. C’est pourquoi les travaux du CCN étaient en grande partie consacrés à cette question. Si nous voulons obtenir des succès significatifs, il nous faut élargir notre implantation syndicale.
Mais ça fait longtemps que vous avez pointé ces questions. Qu’est-ce qui coince ?
Bernard Thibault. Nous sommes sur une pente positive puisque nous enregistrons une progression en 2010 de 4 % des cotisations. Mais il y a des facteurs défavorables. Les nouvelles adhésions ne compensent pas les pertes, principalement à cause d’une mobilité professionnelle qui bouscule tous les syndicats. Dans l’industrie, les emplois détruits, les fermetures d’entreprises pèsent. Dans le commerce, 2 millions de salariés, il y a moins de 1 % de syndiqués. Dans certaines enseignes, la durée moyenne des contrats de travail est de huit mois, dans certains secteurs, 80 % des embauches sont des étudiants salariés. C’est évident que la syndicalisation dans ces secteurs précarisés ne peut pas se faire dans les mêmes conditions que dans ceux où le CDI domine. On ne peut pas avoir les mêmes ambitions revendicatives quand on a 3 % de syndiqués dans un secteur ou 30 %. Il faut ajouter la répression antisyndicale. Les sanctions lourdes, les condamnations, les gardes à vue de syndicalistes durant ce conflit sont autant de signaux délivrés aux salariés pour les dissuader de s’engager. On peut faire des adhésions à la CGT telle qu’elle est aujourd’hui. Je considère que la CGT a le potentiel de développement le plus important, par sa démarche, par les revendications qu’elle porte et parce qu’elle est unitaire. Mais il faut se structurer autrement. Il y a un éclatement des collectifs de travail, parfois autant de conventions collectives que de métiers dans une même entreprise. C’est pourquoi nous avons l’objectif d’un nouveau statut du travail salarié, d’une sécurité sociale professionnelle. Il faut construire une cohérence d’organisation des salariés, quels que soient leur statut, leur employeur et la taille de leur entreprise.
Est-ce que vous ne vous êtes pas surtout heurté à un pouvoir qui a eu la volonté, et les moyens, de ne rien céder ?
Bernard Thibault. Tout le monde attribue le résultat de ce conflit à l’intransigeance du président de la République. Ce pouvoir est jugé insupportable par ceux qui se sont mobilisés. C’est pourquoi ce mouvement n’est pas vécu comme un échec.
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[Lire les 2 résolutions du CCN de la CGT]
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