D’où vient la révolution bolivarienne ?
Posté par communistefeigniesunblogfr le 23 janvier 2011
Source : La révolution vive Auteur : Thierry Deronne
Venezuela – 20 janvier 2011
D’OÙ VIENT LA RÉVOLUTION BOLIVARIENNE ?
Hommes en vert et rouge face à un arbre
Une fois que chaque famille politique a repeint le Venezuela à ses couleurs, reste la question : d’où vient la révolution bolivarienne ?
Le président Guzman Blanco (1829-1899)), ce caudillo éclairé qui voulait calquer Caracas sur Paris, ne cachait pas son étonnement. “Le peuple ici est comme un morceau de cuir sec, disait-il, on l’écrase d’un côté, il se soulève de l’autre !”. Contrairement au Mexique ou au Pérou, Caracas ne fut jamais le siège d’un “Vice-royaume”.
Les premières rébellions d’esclaves d’Amérique eurent lieu au Venezuela.
De celle du Rey Miguel (1533) à celle de José Leonardo Chirino (1795) ces luttes pour l’émancipation (1) ont ouvert la voie à la guerre d’indépendance de Simón Bolivar (1783-1830) tout autant que les idées de la Révolution française. Au contact des jacobins noirs de la revolution haïtienne, qui donnèrent au continent sa première république libre, la population échangea ses gènes monarchiques pour des gènes républicains. Du haut des “cumbes” – communes fondées par les esclaves en fuite – les tambours appelaient à se révolter. Dans ces rythmes fous se cache le secret qui permit à Simon Bolívar de traverser les neiges des Andes avec son armée d’affranchis et de paysans sans terre pour libérer d’autres peuples.
Dès que Bolivar comprit qu’il ne gagnerait la guerre d’indépendance qu’en déclarant une guerre sociale, dès qu’il décréta la libération des esclaves et lança le concept explosif d’égalité politique, ses échecs se transformèrent en victoires, jusqu’à expulser l‘empire espagnol. Bien avant le sommet de Bandoeng (1955), Bolivar pensa sa politique extérieure comme la recherche de “l’équilibre du monde”, la recherche de l’égalité dans les relations entre États.
Lorsque Chavez explique que Bolivar et ses compagnons de lutte furent les premiers socialistes, il s’attire des sourires condescendants. L’inculture historique, l’idéologie des grands médias et des écoles de journalisme, ajoutées à la disparition du temps d’enquête, empêchent de comprendre ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela.
Quand Bolivar et les siens débarquaient clandestinement sur la côte vénézuelienne les premières imprimeries libératrices, l’espace mental n’était pas le continent balkanisé par les oligarchies, mais l’”Amérique méridionale”. Cette idée de Francisco de Miranda (1750-1816), héros et penseur de l’indépendance dont on dit qu’il fut un penseur plus immense que Bolivar, forma la dimension originale de la conscience latino-américaine – du Texas, de la Californie et de l’Arizona encore mexicains à la pointe de la Patagonie – un état de conscience qu’Ernesto Guevara atteindra peu à peu en s’éloignant de sa classe moyenne argentine. (2)
Quand il ne cherchait pas à épater ses amis par un concours de nage les mains liées dans le dos, Simón Bolivar lisait ou écrivait, juché sur sa monture, emmenant sur les champs de bataille une file de mulets chargés de livres. C’est ainsi que Locke, Condillac, Buffon, D’Alambert, Helvetius, Montesquieu, Mably, Filangieri, Lalande, Rousseau, Voltaire, Rollin, Berthollet participèrent à leur manière aux batailles de l’indépendance.
“Un peuple ignorant est l’instrument aveugle de sa propre destruction” : Bolivar comprit avant Marx qu’une idée devient force matérielle lorsqu’elle s’empare des masses et que ces ex-esclaves pouvaient être bien plus qu’une armée de libération : un peuple en marche vers une révolution dont le moteur serait l’information, la connaissance, la conscience. C’est à cette fin qu’il créa le journal “El Correo del Orinoco” et multiplia les assemblées populaires pour propager les idées nouvelles au cours de ses campagnes militaires.
Quelles “idées nouvelles” ? Contre ce qu’il appelait “l’odieuse division de classes et de couleurs”, Bolivar proposait “un gouvernement éminemment populaire, éminemment juste”, un « gouvernement républicain-populaire, choisi par l’intervention de la majorité politiquement apte”. Historiquement Bolívar fut le premier gouvernant à user du terme “sécurité sociale” ! Aux États-Unis le terme fut adopté comme « social security » après qu’Eleanor Roosevelt fit référence à Bolívar. Celui-ci avait eu de bons professeurs.
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