Entretien avec l’opposant tunisien Hamma Hammami
Posté par communistefeigniesunblogfr le 18 janvier 2011
17 janvier 2011 – Entretien réalisé par H. Z.
Événement – Tunisie
Entretien avec l’opposant tunisien Hamma Hammami
« Le mouvement populaire est imprégné de revendications laïques et de gauche »
Nous avons joint, juste à sa sortie de captivité, Hamma Hammami, le dirigeant du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT), qui avait été embastillé mardi dernier.
Commençons par votre arrestation. Comment l’avez-vous vécue ?
Hama Hammami. C’était mardi dernier, le Parti Communiste ouvrier tunisien (PCOT) venait de publier une déclaration exigeant le départ de Ben Ali. On a été le seul parti à l’avoir demandé. La réaction du pouvoir a été violente. Une vingtaine d’hommes ont fait irruption chez moi. Ils ont cassé la porte de notre appartement. Ils ont pris l’ordinateur de Radhia (l’avocate Radhia Nasraoui, son épouse – NDLR) et un appareil photo. Ils m’ont emmené au ministère de l’Intérieur où je suis resté les mains ligotées dans le dos avant d’être libéré vendredi, le jour où Ben Ali a quitté le pouvoir. Ils ne m’ont pas tabassé, c’était nouveau…
Quelle est votre lecture de la situation ?
Hama Hammami. Je considère que l’appel à la formation d’un gouvernement d’union nationale a pour objectif de faire avorter le mouvement démocratique et populaire qui a fait tomber Ben Ali. Le premier ministre Mohamed Ghanouchi, qui s’est autoproclamé président par intérim avant d’être remplacé par le président du Parlement, était le bras droit de Ben Ali. C’est l’homme qui a appliqué avec zèle les directives du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, qui ont conduit la Tunisie vers le gouffre.
Vous êtes opposé à cette solution ?
Hama Hammami. Pour nous, ce gouvernement d’union nationale, eu égard à l’ampleur du mouvement, sera un gouvernement de fantoches. La démocratie ne peut pas être instituée par des hommes qui ont été des proches de Ben Ali, qui ont été partie prenante du système policier qui a dirigé la Tunisie. Il faut faire table rase du passé si on veut aller vers un État de droit.
Que proposez-vous ?
Hama Hamammi. On ne demande pas l’impossible. Seulement la mise en place d’un gouvernement transitoire qui forme une assemblée constituante afin d’élaborer une constitution qui garantisse les droits fondamentaux, la liberté d’expression, d’association et de la presse, ce que la Constitution actuelle ne garantit pas. Il faut savoir qu’après le dernier discours de Ben Ali, les Tunisiens ne sont pas dupes. Ils savent qu’un gouvernement d’union nationale avec les gens qui ont été complices de Ben Ali n’est qu’une tentative de récupération du mouvement d’opposition populaire.
Ne craignez-vous pas, à l’instar de ce qui s’est passé en Algérie lors du soulèvement populaire d’octobre 1988, que le système récupère le mécontentement populaire ?
Hama Hammami. En Algérie, le mouvement d’octobre 88, qui a mis fin au système du parti unique, était spontané. En Tunisie, les gens savent que Bourguiba avait récupéré la révolte du pain de 1984. Cette fois-ci, ce sera difficile. Le pouvoir a affaire aux couches populaires et moyennes, laminées par la politique néolibérale de Ben Ali. Ce sont elles qui ont encadré le mouvement populaire. C’est toute la différence avec l’Algérie.
Vous ne pensez donc pas que le système va récupérer le mouvement populaire ?
Hama Hammami. Il faut souligner une chose : les gens scandaient « Liberté, travail, dignité », des mots d’ordre de la gauche. Ce qui fait que le mouvement social s’est transformé en revendication politique. Mieux, il n’y a pas eu un seul slogan islamiste. Ce mouvement populaire portait des revendications laïques. À l’instar de Mohamed Bouazizi, qui s’était immolé, les diplômés chômeurs, qui ont été des acteurs décisifs du mouvement populaire, sont des démocrates et des progressistes. Les islamistes n’ont joué aucun rôle. Ennahda (islamiste) n’a plus le poids qu’elle avait avant.
Quid du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique de Ben Ali) et de son appareil ?
Hama Hammami. C’est un parti auxiliaire de l’appareil sécuritaire mis en place par Ben Ali. Les saccages d’édifices publics, ce sont eux. Les fauteurs de troubles, ce sont eux. Leur but, créer le chaos pour faire peur aux Tunisiens, leur faire croire que le départ de Ben Ali va engendrer le chaos. Et qu’ils sont les seuls en mesure de rétablir l’ordre et la stabilité.
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