Publié par : 24 septembre 2010 – Bernard Gensane
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Le président des riches.
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Bernard GENSANE
Il y a trente ou quarante ans, il se publiait un livre par semaine comme celui des époux Pinçon-Charlot. En France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie etc. C’est-à-dire un ouvrage rigoureux, une analyse radicale, dans une perspective matérialiste, des mécanismes politiques et sociaux de la société capitaliste. La rareté d’un tel travail témoigne du recul très alarmant d’une réflexion réellement de gauche dans le monde d’aujourd’hui, dominé, écrasé par l’oligarchie financière.
Pour les auteurs, la notion de classes a disparu du langage politiquement correct. Les mouvements sociaux sont dénoncés comme archaïques. Les droits « arrachés de haute lutte par les travailleurs deviennent des privilèges inadmissibles » pour les financiers et leurs relais politiques. La suprématie de la haute finance, bien au-dessus de l’économie réelle, de la production, empêche d’identifier l’adversaire de classe, « puissant mais insaisissable ». Où est le champ de bataille, demandent les Pinçon-Charlot ?
Lors de la folle nuit du Fouquet’s, le champagne a coulé en l’honneur du renforcement du bouclier fiscal. S’il n’y eut que 2722 foyers fiscaux remboursés en 2007 (19000 en 2010), c’est que nombre de riches, étant des fraudeurs grossiers, craignaient de se voir épingler par les vilains agents du fisc. Mais la contribution importante des Pinçon-Charlot est d’expliquer dans les détails en quoi ce bouclier injuste se double d’une arnaque : « il a pour effet d’exempter les plus riches de toute nouvelle forme d’imposition : étant déjà au-dessus du plafond, les nouvelles taxes ne feront qu’accroître le dépassement du seuil, et leur montant sera restitué. Pendant ce temps, les indemnités versées aux victimes d’un accident du travail sont désormais considérées comme un revenu et sont donc imposables. » En d’autres termes, non à l’insécurité fiscale, oui à l’insécurité pour les travailleurs !
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Que faire ? Les Pinçon-Charlot apportent quelques bonnes réponses à cette question historique :
« Restituer l’intelligibilité des rapports de classe » en refusant l’approche individuelle des problèmes collectifs.
Redonner des repères à la classe ouvrière « en dénonçant le mensonge selon lequel il existerait un continuum social où il suffirait de prendre l’ascenseur pour atteindre les paliers supérieurs ».
Se souvenir que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » et que, d’après la Constitution de 1958, « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Abolir le cumul des mandats qui professionnalise la vie politique et permet la pénétration du champ politique par le monde des affaires et par l’idéologie de Marché.
Se scandaliser du fait qu’un seul député français soit, à l’origine, un employé, et que l’Assemblée nationale ne compte pas un seul ouvrier. Les 80% d’abstentionnistes de Clichy-sous-Bois lors des élections régionales de 2010 reprendront peut-être le chemin des urnes lorsque la représentation nationale, comme on dit abusivement, sera davantage en harmonie avec le pays réel.
Respecter les résultats électoraux, ce que n’ont fait ni Sarkozy ni les socialistes lorsqu’ils ont appelé à ratifier le Traité de Lisbonne.
Nationaliser les banques, ce qui permettra de reconstruire « un système de crédit public redonnant la priorité aux financements des besoins de la population ».
Nationaliser les agences de notation et supprimer la Bourse, puisque ce n’est plus la Bourse qui finance les entreprises mais le contraire.
Instaurer un impôt progressif prélevé à la source sur tous les revenus, activité et capital.
Faire des riches un bon exemple, de sorte que les pauvres s’inspirent de leur solidarité.
Ces mesures ne déboucheraient pas sur le socialisme ; elles contribueraient à mettre un terme à la toute puissance de l’oligarchie qui a trouvé en Sarkozy, pour le moment, son meilleur serviteur.
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Le président des riches. Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy. Paris, La Découverte, 2010
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