Où en est le PS aujourd’hui ?
Posté par communistefeigniesunblogfr le 12 juillet 2010
12 juillet 2010 – Entretien réalisé par Lina Sankari
Rencontre politique
Rémi Lefèbvre
« Le PS conserve sa vision d’un réel indépassable »
Professeur en science politique à l’université de Reims, Rémi Lefèbvre consacre ses travaux au Parti socialiste, au militantisme et au processus de démocratisation partisane. Il revient sur la rénovation idéologique et la modernisation des structures du parti.
Les années Jospin marquent la tentative de mise en œuvre d’un « socialisme moderne ». Il consistait à rénover plus qu’à dépasser la social-démocratie européenne. Où en est le PS aujourd’hui ?
Rémi Lefebvre. Quand Jospin arrive au pouvoir en 1997, la « troisième voie » de Tony Blair et de Gerhard Schröder est à l’offensive. Jospin redéfinit alors ainsi la social-démocratie : « Oui à l’économie de marché, non à la société de marché. » C’est la première fois que le PS reconnaît en une formule claire l’économie de marché. Le PS n’a jamais vraiment été au bout de ce travail ; au gré de la conjoncture et des élections, il essaie de reconstituer une cohérence. Depuis 2007, le PS vit un paradoxe. La crise financière a fragilisé l’aile droite du parti, le centre de gravité du PS s’est déplacé vers la gauche, mais la question du rapport au libéralisme n’a pas véritablement été tranchée.
Le PS n’a-t-il pas, à travers les conventions ou le laboratoire des idées, réinvesti le champ idéologique ?
Rémi Lefebvre. Le PS s’est remis au travail, pas de doute, mais la culture technocratique y est tellement ancrée qu’on pense souvent l’idéologie sous le seul angle programmatique. Les responsables sont en quelque sorte des techniciens de l’action publique, mais il n’y a plus de culture de confrontation idéologique. Ainsi, les conventions tombent très vite dans le catalogue technique de propositions. Il existe un décalage fondamental entre l’air du temps qui serait à la remise en question du modèle libéral et un PS qui campe dans cette culture technocratique, quand il devrait répondre aux questions suivantes : quelle société propose-t-il ? Avec quels changements ? Il est à cet égard frappant de constater que les dirigeants sont obsédés par la dette. Ils sont tétanisés par la question des marges de manœuvre, tout en étant conscients qu’il faut déplacer le curseur à gauche. Leur habitus technocratique les renvoie toujours à la gestion et aux moyens. Il est à leurs yeux impensable de construire un nouveau rapport de forces avec le capital.
Cela explique-t-il que la fiscalité soit au cœur de la stratégie de François Hollande ?
Rémi Lefebvre. Selon moi, ils sont déjà dans la pédagogie du renoncement et des contraintes intangibles. Intellectuellement, cela pourrait se justifier vu l’état des finances publiques. On est encore dans la vision d’un réel indépassable.
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