CGT – 18 juin 2010 – par Frédéric Dayan
Retraites :
« In » ou « off » : deux conférences de presse pour une seule réforme
Dans une chronique sur France Inter hier, le journaliste Philippe Lefebure révèle qu’il y a bien eu deux conférences de presse pour présenter la réforme des retraites. D’un coté le ministre du Travail rue de Grenelle, de l’autre au ministère des Finances à Bercy pour un rendez-vous « off » sans caméras ni micros. Voici le texte de sa chronique sur France Inter le 17 juin.
« Bercy » aime la vitesse
Hier, il y a eu 2 conférences de presse pour présenter la réforme des retraites. La première, au grand jour, télévisée : c’était celle d’Eric Woerth, au ministère du Travail. Mais, à peine terminée, une autre a commencé, à l’autre bout de Paris. A Bercy, cette fois-ci. Au ministère des Finances. Là, pas de caméra, ni même de micros : c’était ce qu’on appelle un « briefing off »… une conférence de presse, à laquelle ne sont conviés que quelques journalistes, un peu flattés d’en être et qui s’engagent à ne pas citer, les personnes qui s’expriment. Des informations leur sont données, les journalistes peuvent en faire ce qu’ils veulent, mais il ne doivent pas révéler leur source. C’est ce qui donne dans les articles de presse, ou les dépêches d’agences, des formulations du genre « à Bercy, on pense que… », « dans l’entourage de Christine Lagarde, on estime que.. ».
Je vais, donc, m’en tenir à cette règle : vous ne saurez pas qui étaient présents, à cette réunion (qui n’a d’ailleurs jamais existé)… à cette conférence de presse, qui avait pour but d’expliquer comment cette réforme des retraites va faire du bien à l’économie et aux finances françaises, et comment « Bercy » va pouvoir la « vendre » aux investisseurs qui financent notre dette et nos déficits, en achetant nos Bons du Trésor. En toile de fond, cette réforme sert, donc, aussi à défendre la note internationale de la France, aujourd’hui au plus haut niveau, le triple A. Alors, pas de surprise, « pour Bercy », c’est une bonne réforme. Parce qu’elle envoie aux marchés, les bons signaux.
Des signaux clairs et immédiatement compréhensibles pour un investisseur étranger qui se dit, souvent, dérouté par notre système complexe. Ainsi, le relèvement de l’âge légal de 60 à 62 ans, c’est facile à vendre : la France rejoint la moyenne européenne. Encore plus clair : le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge de la pension complète : là, la comparaison avec l’Allemagne devient aisée. Et même flatteuse, si on en croit « Bercy » : la France atteindra le seuil de 67 ans, soit 10 ans, avant l’Allemagne, qui le prévoit pour 2031 ! Les Fonds de pensions vont adorer. D’une façon générale, c’est le rythme de la réforme qui plaît à « Bercy » : le relèvement des seuils d’âge, en France, va être 2 à 4 fois plus rapide qu’en Allemagne, donc, qu’au Royaume-Uni et qu’aux États-Unis. La montée en charge rapide de ses mesures, son horizon très court, (2018, mais avec un effet sur les finances publiques, affiché dès 2013) : c’est aussi ça cette réforme des retraites.
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Correctif de Philippe Lefebure : Je me suis trompé, ce matin, tôt en écrivant cette chronique, et j’ai confondu les données allemandes et britanniques. Ainsi, c’est le Royaume-Uni qui vise 68 ans, en 2046. L’Allemagne, elle, prévoit 67 ans pour l’âge de la pension complète… en 2031 ! Merci à l’auditrice (allemande) qui m’a alerté. Je vous présente toutes mes excuses.