L’ÉDITO DE L’HUMANITÉ

Posté par communistefeigniesunblogfr le 23 avril 2010

edito_huma.jpg22 avril 2010 – Par Bruno Odent

Amnésie espagnole

L’attaque visant à empêcher l’action du juge Garzon touche à tout le refoulé qui a préludé à la mise en place de l’Espagne moderne.

Il est devenu l’un des magistrats les plus célèbres de la planète pour avoir considéré que l’humanité ne pourrait pas se regarder en face et se réclamer d’elle-même sans avoir jugé tous ceux qui ont commis des crimes contre elle. Il a osé jadis tenter de traduire un certain Augusto Pinochet en justice. Il s’appelle Balthazar Garzon. Il avait décidé d’enquêter sur les crimes du franquisme. Ceux commis par le caudillo et les phalangistes durant leur accession au pouvoir par la guerre qui a ravagé l’Espagne à la fin des années trente et ceux perpétrés plus tard sous le régime de répression qu’ils ont instauré jusqu’à la mort du dictateur en 1975. Il qualifiait de crimes contre l’humanité, donc imprescriptibles, les disparitions de quelque 114 000 républicains espagnols. «  Intolérable  », ont hurlé trois associations d’extrême droite. Et les plus hautes instances judiciaires du pays n’ont rien trouvé de mieux que de recevoir la plainte de ces nostalgiques de la Phalange.

D’ici quelques jours le juge Garzon devrait être suspendu du poste qu’il occupe depuis vingt-deux ans à l’Audience nationale, la plus haute instance pénale du pays, par décision de ses pairs. Pour cause de «  prévarication  », traduisez : abus de pouvoir, parce que la «  requalification  » des crimes franquistes en crime contre l’humanité constituerait un «  artifice juridique  » (sic) afin de violer la «  loi d’amnistie des crimes politiques  » adoptée en 1977.

L’émotion est énorme dans le pays. Elle va bien au-delà des familles des victimes qui souffrent de la conspiration du silence. Car l’attaque visant à empêcher l’action du juge Garzon touche tout le refoulé qui a préludé à la mise en place de l’Espagne moderne, à une amnésie à l’égard des décennies noires érigée en principe. Comme si l’oubli pouvait être une part de l’identité nationale. Intenable.

C’est ce débat institutionnellement tabou qui fait irruption aujourd’hui. La démocratie est atrophiée quand elle se limite au rétablissement d’une monarchie constitutionnelle formatée (avec l’appui des futurs partenaires de l’UE) sur un bipartisme de bon aloi prenant bien soin d’étouffer l’héritage révolutionnaire de la seconde république.

Rappelant ce que fut jadis l’attitude des gouvernants français à l’égard de la république espagnole attaquée, l’affaire Garzon est traitée d’évidence à Paris avec un mélange de gêne et de discrétion. Et comme jadis, il n’est guère étonnant de retrouver, ici et en Europe, au cœur de la solidarité avec le mouvement espagnol pour la «  justice universelle  », les héritiers politiques de ceux qui s’étaient mobilisés avec les brigades internationales.

 

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