Archaïque(s)

Posté par communistefeigniesunblogfr le 19 avril 2010

 Le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin

Archaïque(s)

Réforme. Quelquefois, les bons réflexes nous apaisent. Cette semaine, nous mettant en garde contre les lieux communs qui abêtissent le tout-venant, et aussi parce qu’une bonne démonstration vaut bien des discours, un internaute proposait à notre sagacité la définition suivante piochée dans le Larousse  : « Réforme  : changement important, radical, apporté à quelque chose en particulier, à une institution, en vue de l’améliorer… » Depuis combien de temps n’avions-nous, en effet, vérifié par la preuve du sens strict l’absurdité du temps qui est le nôtre et l’ampleur de la régression en cours  ?

2012. Vu du Palais, où Nicoléon agite volontairement l’ombre du mystère quant à ses intentions pour la prochaine présidentielle, sachant néanmoins que la plupart de ses conseillers n’arrêtent pas de répéter aux visiteurs du soir comme pour les convaincre que « 2012, c’est demain  ! », le mot « réforme » prend évidemment un autre sens. L’un des factotums ajoute même  : « La retraite est désormais la mère de toutes les batailles, s’il la gagne, il sera réélu sans lever le petit doigt… » Si l’on tient compte du message « officiel » des communicants du Palais, il ne serait donc « pas du tout évident qu’il se représente ». Mais qui croit sérieusement à cette idée sortie tout droit de la tête des stratèges de couloirs  ? Le pari des lèche-talonnettes est simple et l’un d’eux ne nous le cache pas  : en rajouter sur « les difficultés de la fonction », sur les « risques qu’il endure physiquement » (sic), faire comprendre à l’opinion que « l’homme y sacrifie tout » (re-sic), y compris « sa vie privée soumise aux rumeurs », etc. Évoquer donc publiquement la possibilité de s’en tenir à un mandat, si possible après une belle « réforme » (dans la définition nicoléonienne) des retraites, histoire de rendre « courageux » l’agité de Neuilly. « Il faut créer du désir de lui », nous dit-on, même si 65 % des Français ne souhaitent pas qu’il se représente. Quoi qu’il arrive, l’orgueil a ses limites. Nicoléon 2012 ne sera pas Mitterrand 1988…

Catho. Comme vous le savez, l’Église a bien besoin de soutien ces temps-ci. Heureusement Nicoléon-le-pieu est là. Par l’entremise de l’ambassadeur français au Vatican, il a discrètement fait savoir au pape, il y a quelques jours, l’« indéfectible soutien » de la Fille aînée de l’Église. On imagine le genre de message. « Je voudrais vous redire que l’enracinement chrétien de la France est indéfectible, je m’y engage, j’en fais le serment, amen… » Question  : où puisent ses références, coincées dans l’agenda idéologique de cet obsessionnel identitaire qui continue de croire qu’« une nation, c’est comme une famille »  ? Et puis, de quelle chrétienté parle-t-il, sinon d’une chrétienté fantasmée, figée, datée, déconnectée des pratiques d’aujourd’hui dont il ne connaît assurément pas grand-chose  ? Que sait-il en effet des réalités « chrétiennes » vécues en ruralité ou dans les quartiers populaires de nos grandes villes qu’il voulait karchériser  ? L’informe-t-on du nombre grandissant de prêtres africains dans les paroisses –  faut-il les menacer d’expulsion  ? A-t-on porté à sa connaissance l’importance des travaux d’organismes caritatifs engagés contre la misère et la paupérisation galopante  ? Besson lui a-t-il avoué que beaucoup d’associations chrétiennes se sont organisées, depuis 2007, pour défendre les sans-papiers  ? Autour d’un bon verre de bugey, un prêtre-ouvrier savoyard disait au bloc-noteur voyageur, il y a quelques semaines, loin de Paris  : « Ce débat sur l’identité nationale n’est pas seulement un piège, c’est aliénant pour tout esprit libre. Notre République laïque, celle que nous aimons tant, peut moins que jamais se penser au travers des figures d’exclusion… » Et l’homme, qui en a vu d’autres, ajoutait  : « Je partage tout naturellement une certaine fraternité de foi avec les catholiques de partout, même de Neuilly. Mais imaginer que je puisse être associé à ces fidèles des “paroisses blanches” révèle une myopie singulière. J’ai assisté à Noël à une messe dans une église de Lyon  : les textes étaient en plusieurs langues… mais pas en latin  ! » Ce que ce prêtre – sans doute tendancieux aux yeux de Nicoléon et de sa clique – voulait ainsi exprimer tient en une phrase  : les logiques ethniques qui empruntent à Maurras et à Barrès résonnent assurément aux oreilles des croisés réhabilités de Saint-Nicolas-du-Chardonnet… pas forcément ailleurs. Ne l’ignorons pas.

Journaleux. Pendant ce temps-là, de l’autre côté de la lucarne de nos salons, la télévision n’en finit plus d’explorer l’insondable psyché déshumanisée des êtres en dérive. Avec l’émission des Infiltrés (visionnée avec retard, pardon), consacrée la semaine dernière à la pédophilie, la fonction de journaliste – du moins ce qu’il en reste parfois – a plié sous les assauts du grand n’importe quoi. En dénonçant à la police des pédophiles présumés piégés par des journalistes sur le net, les producteurs de ladite émission affirment qu’ils n’avaient « pas le choix ». Grossier mélange des genres. Conception d’une profession des « bons sentiments » qui relève de Tintin, du bon Occidental, de Superman, du justicier masqué, histoire de se donner le bon rôle et surtout bonne conscience… Reste l’imaginaire dominant qui provoque semblables glissements  : celui d’un univers policier. Avec ses logiques. Ses mécanismes. Ses réflexes. Quand les journalistes se transforment en auxiliaires de police, c’est le pire qui triomphe. Avec ou sans « réforme » à la clé…

 

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