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Liberté des créateurs : Le silence assourdissant du ministre de la Culture

Posté par communistefeigniesunblogfr le 22 mars 2010

 L’Humanité – 20 mars 2010

Liberté des créateurs : Le silence assourdissant du ministre de la Culture dans Censure aux_malheurs_des_dames_200

Quand la littérature finit au tribunal

Par Ian Brossat, président du groupe PCF-PG au Conseil de Paris, élu du 18è arrondissement

Le ministre de la Culture s’engagera-t-il pour la liberté des créateurs ?

Un vent mauvais souffle sur l’édition. Le 9 avril prochain, au tribunal correctionnel de Paris, comparaissent l’auteur de romans policiers, Lalie Walker et son éditeur, Parigramme. Leur crime  : avoir écrit et fait paraître en 2009 un ouvrage de fiction, Aux malheurs des dames, dont l’action se situe au marché Saint-Pierre, dans le 18e arrondissement de Paris. Les propriétaires et gestionnaires du site ont entrepris une action en justice, estimant que l’ouvrage nuisait à leur réputation et à leur commerce. C’est un peu comme si le Louvre avait décidé d’attaquer Dan Brown (pour son Da Vinci Code). Ou l’office du tourisme new-yorkais, Roland Emmerich (pour le Jour d’après). Très sérieux, les requérants demandent le retrait du livre et deux millions de dommages et intérêts. Élu de l’arrondissement, ancien professeur de lettres, j’ai lu le livre. Il n’y a rien dans le texte de Lalie Walker qui étaye ces exigences, de quelque manière que ce soit. Ce n’est ni un roman à clef, ni un pamphlet, ni un essai journalistique sur le marché Saint-Pierre. Aucun rapport avec la réalité, sinon l’endroit, connu de tous les Parisiens. Aux malheurs des dames est une fiction criminelle, ni plus ni moins. Des dizaines d’autres paraissent toutes les semaines – et sont bien obligées d’être situées quelque part.

S’il est désormais interdit aux écrivains de citer un nom de lieu, une enseigne, un monument, un produit, ce sont des pans entiers de la littérature mondiale qui risquent de finir au pilon. En guise de conseil, je voudrais d’ailleurs dire aux jeunes écrivains qu’ils prennent des risques. La moindre mention négative dans un texte qui n’est pas un poème fantaisiste ou une saga de science-fiction peut coûter cher. Sauf écœurante surprise, la justice devrait laisser Lalie Walker et Parigramme en paix. Malheureusement, la tendance à la censure qui les renvoie aujourd’hui au tribunal s’accentue depuis plusieurs années. Le dernier roman paru de Régis Jauffret, Sévère, a connu quant à lui un parcours du combattant éditorial tout à fait singulier. S’inspirant de l’affaire Stern, il a effrayé le conseil juridique de Gallimard, puis celui de Flammarion avant d’être finalement publié par Le Seuil – la censure devenant autocensure. Dans le même ordre d’idées, craignant les foudres d’un procureur de la République, Frédéric Beigbeder et Grasset avaient nettoyé plusieurs pages du futur prix Renaudot 2009, Un roman français.

Face à la multiplication de ces actions judiciaires, le silence du ministre de la Culture est proprement assourdissant. À croire ses déclarations d’intention l’année dernière, il devait se battre pour les artistes et les créateurs. On sait depuis la fameuse affaire qui a opposé Marie NDiaye à Éric Raoult que sa combativité varie. Il est vrai que les écrivains ne font pas qu’écrire des livres, parfois ils parlent – et cela, c’est insupportable. Aux dernières nouvelles, Lalie Walker n’a pas fait de déclarations fracassantes contre la politique de Nicolas Sarkozy, pourtant. À moins que Frédéric Mitterrand ne soit, lui aussi, choqué, comme les propriétaires du marché Saint-Pierre, par cette phrase de l’un de ses personnages  : « Les patrons, tous des salauds  ! »

Décidément, les artistes ne respectent plus rien.

 

Pour en savoir plus

http://www.laliewalker.com/La-fiction-a-quel-prix-suite

http://www.yozone.fr/spip.php?article9801

http://arnaudh-s.blogspot.com/2010/03/le-droit-la-fiction.html 

http://action-suspense.over-blog.com/article-lalie-walker-face-au-proces-de-la-fiction-46027052-comments.html#anchorComment

 

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