L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) a rendu son rapport jeudi 25 février. Rédigé en novembre 2009, ce rapport dresse un tableau bien sombre du marché du travail jusqu’en 2012 : « La brutale montée du chômage (…) va se poursuivre dans les années qui viennent (…) On entre aujourd’hui dans une phase de chômage durablement élevé. Cette hausse du chômage aura des conséquences considérables en termes sociaux.«
Destruction d’emplois entre 2008 et 2010
Automobile : 260 000 (un quart des effectifs de 2008)
BTP : 114 000, dont 30 000 intérimaires
Services marchands (commerces, transports, banques, etc…) : 189 000
Fin 2010, le taux de chômage pourrait s’élever à 10,6 % de la population active contre 9,5 % fin 2009 et 7,8 % fin 2008.
L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) prévoit que :
- « le nombre de chômeurs de très longue durée ne cessera d’augmenter jusqu’à la fin 2012″.
- « les gens qui ont perdu leur emploi au plus fort de la crise risquent de basculer vers le chômage de longue durée. »
- « la hausse du chômage devrait atteindre 800 000 personnes en deux ans (2009-2010) soit la plus forte progression observée au cours des 25 dernières années »
26 février 2010 - Camille Bauer
La pauvreté dopée par la crise
L’Observatoire de la pauvreté et de l’exclusion sociale a rendu public hier un rapport qui dresse le bilan des dix dernières années et s’alarme des conséquences
du ralentissement économique.
C’est d’abord une inquiétude qu’exprime l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes), qui a rendu hier son rapport annuel en présence des ministres Martin Hirsch et Benoist Apparu : « La crise économique actuelle risque d’avoir un impact sur les ménages pauvres. »
S’appuyant sur des études réalisées par d’autres organismes, comme l’Observatoire français des conjonctures économiques, centre de recherche sur l’économie lié à Science-Po, l’Onpes estime qu’entre 2007 et 2010, le nombre de personnes ayant nouvellement atteint le seuil de pauvreté pourrait être de 240 000, soit une augmentation de 0,3 point.
Pour analyser les conséquences immédiates de la crise, l’organisme manquait en revanche de chiffres précis, les statistiques en matière de pauvreté « étant produites avec un décalage d’un ou deux ans », a expliqué sa présidente, Agnès de Fleurieu. L’Onpes a donc fait preuve de créativité méthodologique et a relevé un certain nombre d’indicateurs crédibles de l’augmentation de la pauvreté.
Parmi les signes de la dégradation de la situation, il a relevé l’augmentation de 15 %, en 2009, du nombre de dossiers de surendettement, ainsi que la part croissante des revenus des ménages les plus pauvres consacrée au logement. Le dialogue mené avec les organisations caritatives a lui aussi fait ressortir une augmentation importante de la demande, notamment à partir de la fin 2008. Au Secours populaire, par exemple, le nombre de nouveaux arrivants a augmenté de 24 % entre janvier et juin 2009. Autre indicateur en forte hausse : la peur de la pauvreté. Ainsi, selon une enquête réalisée début 2009, « la moitié des personnes interrogées ont déclaré croire à une détérioration prochaine de leurs conditions de vie personnelles, soit le niveau le plus élevé depuis 1979 ».
L’emploi ne préserve plus de la pauvreté
La dégradation de l’emploi est le premier facteur qui explique cette tendance à l’accroissement de la pauvreté. En plus de la montée du chômage et de l’augmentation importante du nombre de sans-
emploi en fin de droits (lire
ci-dessous), l’Onpes constate que « de nombreuses entreprises, encouragées par les aides de l’État, se sont efforcées de faire face à la baisse de la demande par une diminution du nombre d’heures travaillées ou par un recours accentué au chômage partiel ». La décision, en 2009, de réduire la durée d’indemnisation du chômage est aussi mise en cause.
L’ensemble de ces mesures s’est traduit par une baisse de revenu et par une fragilisation accrue des ménages. Or, la hausse du chômage a touché de plein fouet les plus précaires : les jeunes, chez qui le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 5 % entre 2008 et la première moitié de 2009, mais aussi les travailleurs non qualifiés et temporaires. En touchant ainsi les plus vulnérables, la situation de l’emploi pour ces catégories « risque de devenir irréversible », prévient Agnès de Fleurieu. Ce constat est d’autant plus alarmant que certains indicateurs s’étaient déjà aggravés durant les dix dernières années. Ainsi, si le taux de pauvreté monétaire, qui concerne les personnes vivant avec des revenus inférieurs à 60 % du revenu médian (soit moins de 908 euros par mois), est resté stable, l’indicateur mesurant le nombre de personnes très pauvres avait, lui, augmenté entre 1998 et 2005. Un des facteurs les plus
inquiétants de la période avait été l’explosion du nombre de travailleurs pauvres, dont l’emploi ne préserve plus de la pauvreté. Leur nombre a atteint, en 2007, 1,9 million d’individus, soit 6,7 % des salariés.
Pour l’avenir, Agnès de Fleurieu a appelé à affiner les indicateurs, mais aussi à creuser davantage la question des inégalités. Comme un pied de nez à un gouvernement qui multiplie les décisions tous azimuts, elle a aussi rappelé l’importance, « de mesurer
a priori l’impact de ces mesures sur l’ensemble de la société, et notamment sur les plus pauvres ».