Travailleurs sans papiers : le soutien s’amplifie
Posté par communistefeigniesunblogfr le 18 février 2010
18 février 2010 – Marie Barbier
Article paru dans l’Humanité du 18 février dans le cadre d’un dossier sur l’appel des 263 personnalités
« Ces sans-papiers sont sous notre protection »
Le soutien aux travailleurs sans papiers s’amplifie
« Trop, c’est trop. » Au numéro 8 de la rue du Regard, dans le sixième arrondissement de Paris, Mahamadou Doucansy, attend les forces de l’ordre de pied ferme. Il ne se laissera pas faire. Depuis le 7 décembre, ce travailleur occupe, avec 250 autres sans-papiers, les locaux du Fond d’assurance formation des Salariés de l’artisanat et du BTP (Faf-Sab). Le 2 février, le tribunal de grande instance de Paris leur donnait 24 heures pour déguerpir, avant d’envoyer les pandores. Deux semaines plus tard, les grévistes sont toujours là. Remontés à bloc.
« On ira jusqu’au bout » assure Mahamadou d’un ton décidé. De fait, ces hommes n’ont plus rien à perdre. Le 12 octobre dernier, ils sortaient de l’ombre, dévoilant à qui voulait bien l’entendre leur statut de travailleurs sans droit dans la France du XXIe siècle. Mahamadou a 32 ans. Il a mis les pieds pour la première fois en France le 13 octobre 2001. « Bientôt neuf ans, soupire t-il. Et toujours pas de papiers. » Il a bien fait une demande en 2008, mais sans résultat. Depuis son arrivée, il travaille dans le bâtiment. Spécialiste en « étanchéité » : les taules sur les toits et le goudron en feu comme labeur quotidien. Pour un salaire de manœuvre : le smic. « Depuis que je suis en grève, mon patron m’a appelé deux fois pour que je reprenne le travail. Je lui ai dit : « Non, je ne veux pas continuer à travailler sans papiers ». Je lui ai demandé une promesse d’embauche pour ma régularisation, il a refusé ».
Les évacuations, les grévistes de la rue du regard connaissent. Depuis le début de leur lutte, le 12 octobre, ils ont déjà été mis à la porte cinq fois! De la fédération nationale des travaux publics rue de Berri, occupée un mois, à la tour Axa de la Défense, où les grévistes sont restés quatre heures, à chaque fois, les forces de l’ordre les ont violemment sortis. Et pas toujours avec un ordre écrit des tribunaux…. « Que ce soit avec ou sans décision de justice, la position des autorités est toujours la même : l’évacuation, dénonce Raymond Chauveau, de la CGT, passé apporter son soutien aux grévistes. On nie le droit constitutionnel de ces salariés à se mettre en grève ». En quatre mois de mouvement, le syndicat a comptabilisé une cinquantaine de piquets ainsi évacués. Dans ce contexte particulièrement tendu, tous les soutiens sont les bienvenus. Ici, chacun se souvient qu’il y a un mois, sous une nuée de photographes et de caméras, Josiane Balasko, Antoine de Caunes ou encore Lilian Thuram avaient partagé une galette des rois avec les grévistes. Depuis, la liste des soutiens s’est encore élargie. Elle dépassait hier le chiffre impressionnant de 260 signatures de personnalités, politiques, scientifiques et syndicalistes, prêts à se mobiliser en cas d’évacuation par les forces de l’ordre.
Sous le préau qui protège de la pluie mais pas du froid, les théières de bissap (boisson à base de fleurs d’hibiscus) aident les grévistes à se réchauffer. « Les gens ici sont tous des salariés sans droit, détaille Mahamoudou. Ils travaillent en France depuis des années, cotisent, payent des impôts et aucun n’a de papiers». Ces travailleurs qui, selon Raymond Chauveau, « écrivent un nouveau chapitre dans l’histoire du mouvement ouvrier » posent à la société française une question fondamentale, poursuit le syndicaliste : « La France accepte t-elle que des pans entiers de son économie tourne avec des travailleurs sans droits ? ». Au 8 de la rue du regard, on attend toujours la réponse.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.